CRITIQUE SANS SPOILERS

Il y a un an, les frères Russo laissaient les fans de Marvel et même le grand public sur un cliffhanger dont peu avaient accepté l’augure. La disparition de la moitié de la population de la Terre et de l’Univers sur un claquement de doigt, littéralement, venait mettre fin aux deux heures et demies d’action et de rebondissements. C’était l’achèvement de la mission de l’antagoniste principal, Thanos « Le Titan fou », teasé régulièrement depuis la fin du premier opus Avengers. Succès critique et commercial, Infinity War, 3e opus des Avengers, initiait avec brio la conclusion de la franchise la plus populaire de la décennie (Voire plus ? Je sens déjà des esprits s’échauffer). L’enjeu était fort pour les Russo et pour Marvel/Disney : Être à la hauteur des attentes. Oui, jamais un film n’avait eu à achever la mission d’End Game. À savoir conclure à la fois un dyptique mais aussi une saga entière, forte de 23 films en 11 années.

Comment juger un tel film ? Tout d’abord je ne cacherai pas une certaine déception en sortant de la salle. Les Avengers nous promettaient de ramener la moitié de l’univers à la vie « quelqu’en soit le prix ». Très bien, alors payez-le. L’addition était peut-être trop élevée pour Marvel, ou pour Disney, qui n’étaient probablement pas prêts à reproduire la dramaturgie qui traversait Infinity War et qui nous avait tous cloués à nos sièges. Ou bien les producteurs n’étaient eux-mêmes pas d’attaque à faire des adieux à leurs poules aux œufs d’or qu’ils nous vendent si habilement depuis tant d’années. Nous essaierons de passer outre une histoire au final assez convenue, aux surprises peu nombreuses et aux incohérences assumées. Quoiqu’il en soit, le dénouement de l’histoire reste digne d’une conclusion si attendue. C’est l’orgie visuelle que l’on nous promettait. Elle s’est fait attendre, elle n’est peut-être pas aussi bien chorégraphiée que dans l’opus précédent (faites rentrer 60 personnages dans le même plan…), mais les enjeux sont bien présents et nous tiennent en haleine tout le long. On pourra toutefois regretter un temps à l’écran pour Thanos bien moindre par rapport à Infinity War. On ne se sent pas autant bousculé que lors de cet opus, mais là était-il le but ? Les Russo n’avaient semble-t-il pas pour mission de proposer une suite dans la même veine, ou bien une conclusion digne d’un Retour du Roi.

Pour autant, il est clair qu’End Game joue sur la nostalgie et caresse les fans dans le sens du poil. Aucun clin d’œil, aucune référence n’échappe aux mêmes yeux avec lesquels je découvrais les aventures d’Iron Man dix années auparavant. Robert Downey Jr offre probablement sa partition la plus aboutie dans le costume de l’homme de fer (oui ça sonne moins bien en français), fort du traitement qu’offrent Anthony et Joe Russo au personnage dont ils ont corrigé bien des tourments depuis Civil War. Divisé en trois parties distinctes et inégales en longueur, en qualité, End Game fait la part belle à tous les super-héros originaux : Thor, dont le traitement en fera réagir plus d’un. Black Widow, qui cherche toujours un sens à donner à son existence, autre qu’en flirtant avec notre cher Bruce Banner/Hulk. Ce-dernier, bien évolué, a enfin la chance de faire reposer des responsabilités sur ses épaules. Hawkeye, héros bien humain sans lequel toute mission impliquant les Avengers se solde par un échec. Et enfin Captain America, figure de l’héroïsme tout relatif des États-Unis, mais également symbole du courage à la Marvel, leader des Avengers et soldat hors pair. Oui Captain America a la chance (s’il n’en avait pas déjà assez) d’avoir à son actif la trilogie la mieux travaillée du Marvel Cinematic Universe (en attendant toujours Les Gardiens de la Galaxie 3…), l’amour inconditionnel des fans et la plus belle scène d’Infinity War. Ici, les Russo ont encore mis leur héros à l’honneur en lui offrant une scène dont les frissons procurés traversent encore mon corps et celui des fans inconditionnels. Oui End Game a misé sur l’émotion, et c’est un bien bel achèvement dans un Hollywood où ce sentiment n’a plus vraiment sa place dans les blockbusters. Ne boudons pas notre plaisir. « I can do this all day ». Nous aussi, Captain.

End Game, initialement titré Infinity War Part 2, a troqué un rythme dynamique, dramatique et spectaculaire, de l’action centrée autour de la quête de Thanos, pour un penchant plus intimiste et plus proche de la psychologie des héros. Les spectateurs auront trouvé leur compte dans au moins un des deux films. Marvel livre alors un hommage sans précédent à ses fans, dans une fresque de trois heures au cours desquelles certains éclateront de rire, certains laisseront couler leurs larmes, d’autres bondiront de leurs sièges, mais au cours desquelles nous avons tous partagé la fierté de vivre la fin d’une histoire commune commencée il y a 11 années, et dont il conviendra désormais de tourner -non sans nostalgie- la page.

Hugo Neumann

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