À l’occasion de la 74ème édition du Festival International du film de Cannes, une petite équipe d’Extérieur Nuit s’est mobilisée pour assister à cet événement mondialement connu et suivi. Généralement, lorsque l’on parle de “Cannes”, on pense à quelque chose d’inaccessible, de magique, d’onirique. Grâce à l’obtention d’accréditations 3 jours à Cannes, nous avons pu vivre ce rêve du bout des doigts. Entre les heures d’attente, quelques montées des marches rapides pour accéder au Grand Théâtre Lumière, les heures de sommeil sommaires et les apparitions furtives de nombreuses stars sur le tapis, nous avons aussi consacré de multiples heures au visionnage des films présentés cette année. On vous propose de découvrir les critiques et avis de certains d’entre eux.

  • 6 Juillet 2021

20h30 : Annette (Carax)

Une « tragédie musicale » interprétée brillamment par Adam Driver et Marion Cotillard avec aux commandes Leos Carax (réalisateur de l’inoubliable Holy Motors), Caroline Champetier derrière la caméra, et une bande originale signée Sparks (également à l’origine de l’idée du film), le légendaire groupe pop-rock avant-gardiste américain qui a inspiré les plus grands : franchement, que demander de mieux ? Il est bien rare de voir le Festival de Cannes s’ouvrir sur un film aussi flamboyant et marquant que celui-ci. En règle générale, le film d’ouverture (souvent hors compétition) n’est autre qu’une légère entrée en matière pour les jours à venir, chargés en sensations. Annette est restée dans les esprits jusqu’à la fin du festival car c’est une expérience cinématographique forte et précieuse, avec une empreinte visuelle inimitable propre à Carax. Le film mélange de nombreux genres et essaye sans cesse de se réinventer en proposant seconde après seconde de nouvelles idées cinématographiquement innovantes. À la lisière d’un spectacle de Broadway et d’un opéra rock, cette valse délicate entre fantaisie et farce démontre que Carax arrive encore et toujours à nous surprendre par la magie émanant de son décalage. Un Carax au sommet de son art, qui lui a valu le prix de la mise en scène. Tel un bateau en mer, cet ouragan émotionnel ne laisse pas indifférent, il transcende.

  • 13 Juillet 2021

18h45 : Aline (Lemercier)

Valérie Lemercier réalise et interprète un personnage dont l’histoire s’inspire librement de celle de Céline Dion. On pourrait qualifier Aline de “faux biopic”, ce qui est une façon assez originale de reprendre l’histoire d’une des plus grandes voix de la musique francophone pour la transposer dans une narration davantage cinématographique que fidèle. Cela permet donc à la réalisatrice de prendre certaines libertés qui n’auraient pas été possibles avec un biopic. Malgré quelques maladresses au niveau du scénario et de la réalisation, la brillante interprétation de Lemercier ainsi que celle de ses partenaires canadiens font chaud au cœur, rendant cette comédie plus percutante que la moyenne. Nous n’avions qu’une seule envie en quittant la salle : se casser la voix en chantant les plus grands titres de Céline. Un film qui sera à découvrir dans les salles en novembre.

22h00 : Bac Nord (Jimenez)

Un film d’action “de mec” captivant aux tendances politiques de droite (selon certains, l’approche politique du film inciterait soit disant à voter pour Le Pen). La plus grande force de ce film est sans aucun doute Gilles Lellouche qui nous offre ici une de ses performances les plus électrisantes, interprétant un ripoux de la brigade anti-drogue. Malgré des scènes d’action reconstituant les faits réels en grandes pompes, le film n’arrive pas à la hauteur de la tension infiniment anxiogène procurée par le chaos sanguinaire clôturant Les Misérables de Ladj Ly dont Bac Nord s’inspire clairement de son schéma. Une mise en scène plutôt musclée, mais qui reste relativement classique. Dans le fond, on sent que Jimenez veut briser des barrières politiques en transmettant des messages forts sur notre société.

23h55 : Tralala (Larrieu)

Une approche tout à fait singulière de la comédie musicale (décidément c’est une année très musicale pour le festival !). Grâce au talent des frères Larrieu, le film ne sombre pas dans le typique gloubi-boulga à l’eau de rose que sont la plupart des comédies musicales de nos jours. Rarement n’avions-nous vu un film de ce genre émouvoir en toute délicatesse et simplicité. L’originalité du film repose sur le choix des réalisateurs de faire appel à différents interprètes pour composer les musiques attribuées aux personnages. Par exemple, Étienne Daho a composé les chansons interprétées par le personnage de Maïwenn ; Dominic A pour celui de Josiane Balasko… On retiendra par-dessus tout la fantaisie poétique des textes de Philippe Katerine pour l’électron libre qu’est le personnage d’Amalric, plus attendrissant et vrai que jamais. Toutefois, on notera l’aspect inégal du déroulement du film, alternant entre des moments d’une grâce magique et des scènes d’une platitude assommante.

  • 14 Juillet 2021

15h30 : Red Rocket (Baker)

Du grand Sean Baker ! Il démontre à nouveau ingénieusement cette capacité à jongler, avec une simplicité enfantine, entre le tragique et le burlesque. Il n’essaye jamais d’en faire trop, sans pour autant se priver de certains excès qui génèrent parfois des séquences hilarantes. Le film suit l’histoire de Mikey Saber, ex star de l’industrie pornographique dont la carrière est arrivée au point mort, qui retourne dans sa petite ville d’origine au Texas afin de renouer avec son ex-femme, elle aussi anciennement dans ce business. Baker ne pouvait pas choisir meilleur acteur pour ce rôle que Simon Rex, qui a lui-même débuté dans des films pour adultes puis s’est fait connaître du grand public dans Scary Movie 5. Le réalisateur a ce pouvoir de dénicher des talents inconnus du grand public pour leur faire interpréter ses personnages avec brio. Rex est d’ailleurs une véritable révélation dans ce rôle. En plus d’un casting flamboyant, Sean Baker nous fait découvrir l’Amérique profonde d’un point de vue tout à fait unique, à travers une histoire décalée et désarmante par son authenticité. Cette Amérique est superbement capturée à l’image par le directeur de photographie Drew Daniels : le résultat est granuleux, pastel, et aéré. Il n’y a rien de tel que de filmer sur pellicule plutôt qu’en numérique.

19h45 : Serre moi fort (Almaric)

Mathieu Amalric revient avec un nouveau film présenté cette fois-ci dans la catégorie Cannes Première, après être passé par la Quinzaine et Un certain regard les années précédentes. Avec Vicky Krieps et Arieh Worthalter à l’affiche, Amalric nous livre un mélodrame technique scénaristiquement et terriblement passionnant. Une mère de famille, Clarisse, part. Mais abandonne-elle vraiment ses enfants et son mari ? Cette question invite le spectateur à être tenu en haleine jusqu’à la fin, moment crucial qui donne du sens à ce film aux multiples temporalités, tout en ressentant de la compassion pour cette femme brisée.

*En sortant de la projection, nous avons croisé Mathieu Amalric, à la manière de Gainsbourg, clope au bec et dans sa désinvolture la plus totale, à qui nous demandâmes un autographe et une photo. Il était extrêmement pressé mais, sympathique comme il est, il prit le temps de s’arrêter quelques secondes pour satisfaire nos demandes. Une brève rencontre qui nous permit en un court instant de savoir qu’Amalric est quelqu’un d’infiniment bon et vrai, ce qui est rare dans le milieu.*

22h30 : Les Olympiades (Audiard)

Un film en noir et blanc, le 13ème parisien, une BO magique et parfaitement adaptée signé Rone : un chef d’œuvre d’Audiard. Les Olympiades est tellement haut en couleurs dans la réalisation, le scénario, la mise en scène, que ces mêmes couleurs s’imaginent parfaitement malgré le choix du noir et blanc. C’est un véritable hymne à l’amour, dans lequel chacun peut et doit se retrouver. Lucie Zhang brille de simplicité et de sincérité, Noémie Merlant anime les cœurs, Makita Samba redonne le sourire. Une comédie romantico-dramatique qui fait du bien, comme un bol d’air frais sur le cinéma français.

*En fin de séance, nous sommes tombés nez à nez avec ni plus ni moins que le grand réalisateur américain Oliver Stone (Platoon, JFK, Snowden…) ainsi que la déesse d’une autre galaxie qu’est Tilda Swinton. Pour vous dire que nous étions à la fois sous le choc et complètement émerveillé d’être au sein de cette foule de stars.*

Comme un enfant au zoo, Antoine, aux anges complet, nous pointa avec exubérance une à une ses stars préférées, et miraculeusement, il réussit à avoir sa photo avec sa chouchou Tilda.

*Puis, deux jours plus tard, en allant acheter en vitesse un panini fadasse histoire d’avoir quelque chose dans le ventre, avant de se positionner dans la last minute queue pour Memoria, nous avons croisé Jacques Audiard qui se baladait aux abords du carrousel. Seul, souriant, en costume beige couronné d’un de ses chapeaux indémodables.*

Antoine Massip et Laurene Derveaux

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