Cette année, Disney décide de nous faire voyager au beau milieu de la Colombie, dans un petit village enchanté abritant une maison colorée, portée par la magie de la fantastique famille Madrigal. Entre magie et mystère, Mirabel, adolescente tout à fait normale, cherche à trouver sa place au cœur d’une famille où chacun porte en lui un pouvoir magique unique. Cette magie qui menace de disparaître devient alors l’occasion pour elle de devenir la sauveuse de la famille.

 

Habitués depuis quelques années aux magnifiques paysages que Disney nous offre dans ses films, citons Vaiana ou encore Raya et le Dernier Dragon, nous tombons une fois de plus dans Encanto, dans un concentré d’images rafraîchissantes et colorées, tout aussi magnifiques. Du violet à l’orange, en passant par toutes les tonalités de rose, cette palette de couleurs constitue l’une des plus grandes forces de ce magnifique film d’animation. Si certaines scènes rappellent sans équivoque les tons du Pixar Coco, elles n’en restent pas moins appréciables et surprenantes en ce qui concerne les alliances de couleurs et le jeu qui s’y construit autour pendant toute la durée du film. Incarnant presque des entités à part entière, elles ne sont jamais figées et évoluent toujours simultanément aux personnages, ce qui ne lasse jamais l’œil et le satisfait toujours.

 

Par ces plans magnifiques, Disney fait ainsi prendre vie à un joli panel de personnages tout aussi atypiques les uns que les autres, à la fois attachants et nouveaux. Loin des clichés habituels, nous avons souvent l’impression de pencher du côté de chez Pixar avec des personnages aux physiques et problématiques bien plus réelles. La quête de la magie nous ramène du côté de chez En Avant, quand l’hommage à la famille nous fait pencher une fois de plus vers Coco. Loin d’être insupportables, les références y restent légères et le film parvient à se construire une histoire propre, qui nous permet de nous éloigner de tous ces déjà vus, qui auraient pu devenir source d’agacement.

 

Ainsi, Mirabel, héroïne à lunettes aux cheveux bouclés et quelque peu maladroite, fait le bonheur du public par la manière dont elle incarne le personnage réel de la vie que nous connaissons. Chaque personnage étant doté de problématiques très familières, qu’il s’agisse du poids de la pression exercée sur eux, de l’envie de satisfaire les ambitions familiales, de s’efforcer de garder la face quand tout s’écroule, ou bien de la peur de décevoir, le processus d’identification se veut donc beaucoup plus facile et décomplexant pour le public. Faute d’un nombre conséquent de personnages mis à l’honneur, nous restons un peu sur notre faim que ces différents parcours n’aient pas été plus approfondis. Disney reste encore trop à la surface en n’osant pas se plonger pleinement dans les grands thèmes et problématiques sociétales. Cependant, ceci n’enlève rien au fait qu’il existe un vrai travail autour de chaque personnage, de leurs valeurs et craintes qui leur sont propres.

 

Il est évidemment impossible de parler d’Encanto sans évoquer ses musiques et chansons. Déjà extrêmement célèbre, la fameuse Ne parlons pas de Bruno a fait le tour des réseaux, et à raison. Les musiques, rythmées et très bien traduites en ce qui concerne la version française, sont un régal pour les oreilles. Entêtantes mais jamais désagréables, leurs variations de rythme et de style ainsi que leurs paroles un peu plus élaborées que celles des montagnes glacées (vous aurez la référence) apportent quelque chose de très fort au film. Jamais inutiles, les chansons ne se ressentent jamais comme des ajouts forcés de la part de Disney mais comme de réels compléments. À la fois mise en contexte et espaces d’expression pour les personnages, elles constituent un des grands points forts du film. La BO est ainsi parfaitement intégrée au film, lui apportant un équilibre très appréciable. La nomination de Dos Orguitas pour la meilleure chanson originale aux Oscars a d’ailleurs été l’une des meilleures nouvelles de la semaine.

 

De jolis messages sont évidemment véhiculés tout au long de l’histoire, dont l’éternel « il ne faut pas se fier aux apparences », qui s’allie cette fois ci à un message très actuel d’émancipation des attentes que notre entourage peut avoir vis à vis de nos comportements. Loin du cliché de « suivre ses rêves jusqu’à ce qu’ils se réalisent », Encanto nous propose des personnages maladroits, imparfaits et jamais irréprochables, qui cherchent à se réapproprier ces pouvoirs qui les ont trop longtemps définis, sans leur avoir laissé la possibilité de les prendre comme des compléments d’eux-mêmes. Encanto nous dit ainsi que l’unique qui se trouve en nous ne vient pas de nos attributs mais de la façon dont nous voulons en faire usage. L’extraordinaire n’est pas toujours visible.

 

Si les plans et couleurs restent magnifiques, certains ressentiront peut-être une certaine frustration que la totalité du film ne dépasse pas les frontières de ce petit village, ne donnant à voir que les arbres de l’immense forêt voisine et appuyant également probablement la plus grande faiblesse de ce long métrage : sa fin abrupte et presque forcée. C’est lorsque l’on sent que le film a encore des choses à dire que tout s’arrête, de manière presque inattendue. Une fin à la Disney, qui rompt avec tout ce que le film cherchait à construire depuis le début, c’est-à-dire la complexité de trouver sa place, de définir l’extraordinaire et de dépasser la magie pour se définir.

 

En bref, Encanto est une belle réussite pour Disney. Ne se démarquant pas encore tout à fait, ce film reste une belle transition et un premier pas vers la représentation de problématiques touchant un public beaucoup plus large. Quand bien même le scénario prend des allures de déjà vu et nous rappelle souvent les aventures d’Elsa et d’Anna dans La Reine des Neiges ou du petit Miguel du Pixar Coco, la beauté des scènes n’en reste pas moins un joli spectacle très appréciable. Le scénario comporte encore de grandes faiblesses et un déséquilibre notable entre les différentes phases de l’intrigue, constituant un point noir néanmoins compensé par la beauté de la bande originale et des personnages tout à fait nouveaux.

 

Raphaëlle Brunaud

Categories: Critiques