Le nouveau film de Kechiche, Mektoub, my love : intermezzo est un film détestable tant par la vulgarité exacerbée de ses personnages que par un scénario répétitif et psychotique, à en tirer des critiques de la presse. Il pourrait être, c’est vrai, si facile de dire que ce film est vide, inintéressant et sans intérêt : une scène de plage de 30 minutes, 2h30 de plans insistant sur des fessiers et une scène de sexe très explicite de 13 minutes.

Présenté au Festival de Cannes, le public y est généralement sorti décontenancé et lassé (parfois avant même la fin du film). C’est dans cette si douloureuse ambiance d’incompréhension que le film s’est fini laissant chacun dans la plus grande des peines.

Il me semble au contraire que ce film est certainement l’une de mes plus fascinantes expériences de cinéma : ce film étant, lui-même, une expérience. Le public est violemment plongé dans le monde de la nuit, dans le monde du pathétique. Les personnages sont en vérité tous pathétiques : la bourgeoise discrète qui essaie de devenir « comme les autres », les dragueurs du dimanche qui essaient maladroitement de séduire, Ophélie faussement illusionnée par le futur de son couple… Kechiche illustre parfaitement cet état où l’Homme devient autre pour plaire, où l’on oublie qui l’on est pour s’intégrer. Fascination ou manipulation, le film est étrangement attirant.

De plus, la vulgarité de ce film (excessivement représentée par des plans plus que répétitifs sur les fessiers des « danseuses ») démontre un intérêt certain pour la société d’aujourd’hui. Sous musique techno, les 2h30 du film dans la boîte de nuit sont comme une interrogation sur les excès modernes de notre société : la surexposition du corps nu, la disparition progressive d’une idée de pudeur. Finalement, dans cette boîte de nuit la pudeur n’existe pas et les personnages s’interrogent sur les limites de leurs propres excès : comment pourrais-je être encore plus vulgaire ? comment pourrais-je attirer encore plus l’attention sur moi ? quelle partie de mon corps n’ai-je pas encore dévoilée ? Mise à nu du pathétique moderne, le nouveau film de Kechiche a selon moi une dimension sociale et est brillant de réalisme.

Mektoub, my love : intermezzo se voit comme un film au doux parfum de scandale et Kéchiche a très nettement réussi son défi de choquer et de déstabiliser son public. Il me prend alors de m’interroger sur la motivation de l’artiste et si finalement le scandale n’est pas l’écho parfait et attendu de l’art contemporain.

Eros Mennetrier