Logan de James Mangold. Le renouveau du film de super-héros ?
Depuis quelques années maintenant, les films de super-héros pullulent, sur le grand comme le petit écran. Pourtant, malgré un succès indéniable au box-office, les critiques sont de plus en plus vives envers ce que représente ce genre : du pur divertissement au détriment du véritable cinéma*.
Les films de super-héros sont-ils condamnés à n’être plus que du grand spectacle ?
Entre les films Marvel dont un épisode sort tous les ans sur grand écran, la franchise DC Comics qui s’enfonce films après films et les séries de super-héros quelconques qui grouillent sur les plateformes de VOD, on peut aisément finir écœuré par les super-pouvoirs. Pourtant, il existe de grands films de super-héros comme les superbes trilogies Spiderman de Sam Raimi ou BatmanThe Dark Knight de Christopher Nolan par exemple. Ce ne sont pas de simples divertissements, mais de vrais films de cinéma, travaillés avec engouement par des réalisateurs d’exception et acclamés par la critique et le public.
Mais cela remonte à presque 10 ans maintenant (The Dark Knight Rises sorti en 2012). Tout porte alors à croire que Disney aurait écrasé la concurrence avec ses films du Marvel Cinematic Universe (MCU), imposant un style spectaculaire et reniant les valeurs du grand écran. Certes, certaines productions ne sont pas déplaisantes (Les Gardiens de la Galaxie, Thor : Ragnarok…) mais sans jamais être bouleversantes d’inventivité et surtout de sincérité.
C’est dans ce contexte que sort en 2017 Logan avec, avant tout, l’intention de clore l’épopée de Wolverine, personnage emblématique des X-Men. Le défi est d’autant plus délicat que la franchise, alors détenue par 20th Century Fox, est sur le déclin : après une première trilogie honorable entre 2000 et 2006, la suite est quelque peu décevante. Aucun des films ne convainc réellement, toujours dans les pas du MCU mais sans jouir de son prestige.
Dès lors, il a fallu faire preuve d’originalité pour que le personnage, incarné depuis toujours par Hugh Jackman, puisse tirer sa révérence dignement. Il fallait éviter un énième spin-off décevant sur Wolverine, mais aussi sortir du lot des films de super-héros conventionnels.
On remarque alors très vite dès le début du film que le pari est réussi. Le film ne sera pas que du grand spectacle. Logan est une œuvre foncièrement à contrecourant du MCU, en proposant autre chose que du pur divertissement. Il n’est pas une succession de scènes d’action comme on aurait pu le craindre, mais un véritable équilibre entre film de SF et film de super-héros. Pourtant, ce choix est une vraie prise de risque : le film aurait pu décevoir, à la fois les fans de films de super-héros courants, pour qui le film manquerait d’action, ainsi que les fans de SF pour qui il y en aurait trop. Finalement Logan parvient à trouver le bon équilibre et satisfait les deux camps : tous reconnaissent que le film est atypique et soigné. Plongé dans une esthétique légèrement futuriste (on est en 2039) couplé à un style unique, l’œuvre est esthétiquement brillante. Les décors sont impeccables et les acteurs principaux excellents, au service de personnages travaillés et profonds. Hugh Jackman s’exprime parfaitement dans son personnage torturé, abattu… Ce n’est plus le Wolverine héroïque d’antan, mais Logan, chauffeur de limousine alcoolique doté de pouvoirs dysfonctionnels. On retrouve aussi à nouveau Patrick Stewart dans la peau d’un Charles Xavier fatigué et incontrôlable. La jeune Dafne Keen dans le rôle de Laura crève elle aussi l’écran.
Dès lors, on vibre pour nos héros, imprégnés de fatigue et de doutes. Les scènes d’action sont sensationnelles et largement plus impressionnantes que celles de films de super-héros traditionnels. Mais malheureusement, le film tombe de temps à autre dans la facilité, avec une histoire parfois lassante, des méchants un peu stéréotypés et quelques scènes d’une brutalité gratuite, surtout vers la fin. Alors que pourtant, le film sait être émouvant, que cela soit dans la relation père-fils qu’entretient Charles avec Logan ou dans la relation père-fille avec Laura.
Donc, à l’évidence, même si le film est loin d’être parfait, il porte en lui la profonde démonstration que l’on peut faire des films de super-héros autrement, encore aujourd’hui. Tout d’abord en proposant une véritable œuvre complète : le film peut tout à fait être compris de manière indépendante des autres épisodes de la franchise X-Men. Ensuite parce qu’il offre autre chose que des films cadrés type MCU, qui règnent depuis presque 10 ans sur le genre, sans pour autant tomber dans la facilité, que ce soit par une succession de scènes d’action fades, ou avec un film d’anti-héros comique pénible (Deadpool,Venom…).
Ainsi, il confirme que les films de super-héros ne sont pas condamnés à être que de simples éléments marketing, ni des films familiaux insipides. Il incarne l’espoir d’un nouveau genre de films de super-héros, sûrement plus sombre et mature, mais aussi plus risqué et clivant. On est peut-être là face à une œuvre majeure, qui peut lancer un renouveau dans le genre ou au contraire, face au dernier sursaut de 20thCentury Fox avant la capitulation face à Disney. L’avenir nous le dira.
Logan de James Mangold est disponible sur AmazonPrime Video depuis le 2 décembre 2020.
Vive le cinéma !
Gaétan Chenus
PS : Je vous recommande Le Mans 66 du même réalisateur. Un excellent film sur la mécanique et la course automobile durant les années 1960. Avec Christian Bale et Matt Damon.
Je conseille aussi Spider-Man: New Generation, qui rafraichit aussi à sa façon le genre de film de super-héros. Un super dessin-animé original et audacieux.