Petite fille de Sébastien Lifshitz. Une grande fille dans un corps de petit garçon.
Pendant un an, Sébastien Lifshitz a suivi le quotidien de Sasha, une jeune fille scolarisée en CE1 et atteinte de dysphorie de genre (divergence entre le sexe anatomique et le sentiment profond d’appartenir à un genre). On observe la lutte de sa famille, guidée par un amour inconditionnel envers leur fille afin que son école et la société reconnaissent son identité de genre.
Après Les invisibles et Adolescentes, Sébastien Lifshitz remonte encore en âge et utilise une nouvelle fois son pouvoir de captation du réel pour nous dépeindre un portrait touchant et sincère. On y retrouve les points forts qui ont fait de ses précédents films de grandes œuvres, à savoir réussir à capter la sincérité des individus filmés. Chacun se livre ouvertement et agit de façon totalement naturelle malgré la caméra. Alors que les jeunes filles de Adolescentes se laissaient facilement filmer avec leurs parents, avec leurs petits amis et même durant les moments les plus intimes (les résultats des élections présidentielles ou l’annonce de la mort de leur grand-mère), ici les parents de Sasha se livrent pleinement sur leurs ressentis et leurs émotions. La caméra parvient une fois de plus à nous plonger sans retenue dans les moments en famille. Jamais les proches de Sasha ne se sentent gênés par l’objectif. Pour cela, le réalisateur a créé un lien de confiance fort avec la famille.
Finalement, Sébastien Lifshitz parvient à nous montrer l’intimité de Sasha, jeune fille atteinte de dysphorie de genre. On s’attache profondément à elle, même si, peu bavarde, c’est souvent sa mère qui nous raconte les angoisses et les émotions de sa fille. Elle nous explique aussi ses difficultés à s’intégrer, notamment à l’école et dans ses cours de danse. On ressent très rapidement l’incompréhension et la colère des parents dans ce combat dont les enjeux les dépassent.
La scène la plus marquante est sans doute lors de la première consultation de Sasha et sa mère avec le pédopsychiatre. Comme à chaque fois, la caméra est présente et capte toutes les émotions de façon totalement naturelle. On découvre la libération de la mère lorsque la docteure lui enlève le poids de sa potentielle responsabilité dans la dysphorie de genre de sa fille. Un moment pur et très émouvant capté par une caméra qui a su se faire oublier.
Mais ne vous méprenez pas, il ne s’agit pas d’un documentaire posant le débat sur la transidentité. Le réalisateur ne cherche jamais à discuter l’identité de Sasha et filme l’évidence : Sasha est une fille. Il ne remet jamais en doute son choix et ne l’interroge jamais frontalement. Ainsi, Sébastien Lifshitz choisit clairement son camp et cela se remarque par l’angle pris par le documentaire. Il se concentre ainsi pleinement sur Sasha, sa famille et ne cherche en aucun cas l’impartialité. Il ne montre par exemple jamais l’école ou le club de danse qui sont dépeints comme frontalement opposés au combat de Sasha et le réalisateur ne leur donne jamais la parole.
Dès lors, si Adolescentes a su faire pleinement consensus, en témoigne les 3 Césars remportés cette année, (meilleur documentaire, meilleur son et meilleur montage) Petite fille risque d’en gêner certains, car le réalisateur a choisi un sujet peut-être plus « épineux », bien que le film soit d’aussi grande qualité.
C’est donc une nouvelle prouesse de la part de Sébastien Lifshitz, tant sur le fond que sur la forme. Que l’on soit du même avis ou non que le réalisateur, les émotions retranscrites sont extrêmement fortes et pures. Le film exprime aussi parfaitement l’amour de la famille pour Sasha, tous unis et soudés derrière son combat.
Une pépite brute d’émotion.
Petite fille de Sébastien Lifshitz est disponible sur Netflix et en VOD sur Arte.tv.
Vive le cinéma !
Gaétan Chenus