Synopsis

Théo est remis à l’adoption par sa mère biologique le jour de sa naissance. C’est un accouchement sous X. La mère à deux mois pour revenir sur sa décision…ou pas. Les services de l’aide sociale à l’enfance et le service adoption se mettent en mouvement. Les uns doivent s’occuper du bébé, le porter (au sens plein du terme) dans ce temps suspendu, cette phase d’incertitude. Les autres doivent trouver celle qui deviendra sa mère adoptive. Elle s’appelle Alice et cela fait dix ans qu’elle se bat pour avoir un enfant. PUPILLE est l’histoire de la rencontre entre Alice, 41 ans, et Théo, trois mois.

L’équipe du film

Jeanne Herry aborde ici d’une autre manière le processus d’adoption. Il n’est pas question d’un enfant adopté en quête de ses racines ou des difficultés relationnelles entre la famille d’accueil et l’enfant adopté. Non, cette fois-ci, le parcours d’adoption, en lui-même, est au cœur du sujet. On est tout de suite immergé dans le quotidien de ce collectif de travailleurs sociaux qui se donnent avec une énergie débordante pour trouver la meilleure des familles possibles à chaque pupille qui leur ait confié.
Si le personnage d’Alice illustre le parcours long et sinueux que vivent ceux qui espèrent adopter, Jeanne Herry fait passer à travers ce film un autre message : l’importance de comprendre que l’adoption c’est avant tout de trouver des parents pour un enfant. En effet les gens regardent souvent la situation dans le mauvais sens ; un problème que met en lumière le personnage de Lydie dans le film lorsque celle-ci déclare que son travail n’est pas de trouver un enfant pour des parents qui souffrent, mais de trouver les meilleurs parents possibles pour un enfant qui en a besoin.

C’est l’appel d’un proche ayant eu recours à l’adoption qui a donné envie à Jeanne Herry de faire ce film. Après cet appel, la réalisatrice explique s’être sentie bouleversée, émue et allumée de l’intérieur ce qui la poussera à se documenter sur le sujet. Inspirée du parcours de cette amie de la réalisatrice, Pupille est proche de la docufiction. En effet, avant l’écriture, la réalisatrice a consacré beaucoup de temps à la documentation auprès d’intervenants sociaux. De plus, les travailleurs sociaux ayant participé à la relecture du scénario parlent même du film comme d’un outil de vérité concernant le processus d’adoption et ils le montrent même à des parents qui souhaitent adopter.
Le titre, Pupille, n’est pas choisi au hasard, et joue sur l’ambivalence du mot. Il souligne parfaitement l’importance du regard que ce soit en tant qu’échange mais aussi en tant que signe d’approbation pour ces travailleurs sociaux dont les choix auront une importance déterminante tant pour les pupilles que pour les parents adoptifs.

Chaque personnage apporte une touche et un regard particulier à la situation et défait aussi les clichés qui entourent ce genre de profession. C’est particulièrement le cas pour le personnage de Jean, joué par Gilles Lellouche qui représente un genre d’idéal masculin de notre siècle, entre rudesse et tendresse et qui n’a pas peur d’affirmer aimer son rôle d’«homme de maison». On y découvre un Gilles Lellouche très différent des rôles qu’il a pu interpréter dans le passé. En effet, il dégage à l’écran une sensibilité forte en jouant le rôle d’un père d’accueil. La réalisatrice explique ce choix par le fait que le bébé ait besoin de bras solides, sur lesquels s’appuyer. Jeanne Herry voulait mettre à l’écriture un beau personnage, un idéal, et c’est Gilles Lellouche qui apparaissait selon elle, comme une évidence, pour tenir ce rôle.
Sandrine Kiberlain dans le rôle de Karine doit quant à elle garder une distance avec ce bébé, elle doit en permanence éviter d’être dans l’empathie car sa mission est d’être la personne avec le bon recul. Au début du film, Karine utilise des mots précis pour dire à l’enfant ce qui lui arrivera, il n’a qu’une semaine mais celle-ci lui parle comme à une vraie personne. C’est un personnage d’encadrement, là pour apporter de la solidité et non pour tomber dans le pathos. Karine mange continuellement des bonbons de manière à apaiser sa frustration d’être dans l’incapacité de pouvoir exprimer ses émotions et sa sensibilité à cause de son rôle. Les bonbons, liés à l’enfance, viennent combler ce manque affectif et remplir un vide émotionnel qui ne peut être exprimé dans son travail.

L’avis d’EN

Il ressort de ce film une émotion très positive, le spectateur est comme empli de bonheur. Le film apparaît presque comme une sorte d’utopie, où, plongés dans l’irréel, les personnages du film semblent être profondément bons et bienveillants et où tout fini bien. Jeanne Herry souligne son choix de n’avoir placé aucun personnage antagoniste dans le film par le fait qu’il y a suffisamment d’adversité dans la vie. Ce qu’elle a voulu montrer ce sont des gens qui essayent de bien faire, qui dégagent une sorte d’humanité et qui essayent de prouver que tout est possible. Le film rend une sorte d’hommage au collectif. Il met en lumière le caractère essentiel de l’argent public qui permet aux structures sociales de réaliser de si belles missions. Comme le dit si bien Gilles Lellouche à propos du film : « les spectateurs […] se diront que ça vaut la peine de payer des impôts »
Si le collectif de travailleurs sociaux est au cœur de l’intrigue, le personnage du pupille, Théo, a aussi un rôle majeur dans le film. En effet, il est capable de faire passer plusieurs émotions sans prononcer la moindre parole. Théo n’est pas qu’un simple figurant dans le film mais a un rôle déterminant et Jeanne Herry a su faire évoluer les émotions du pupille sans avoir recours à la parole.

Youssef Nekmouche, Marouchka Alexandroff & Manon Costet

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