Good Will Hunting, raconte l’histoire de Will Hunting (Matt Damon), jeune orphelin des quartiers populaires de Boston Sud. Son quotidien est rythmé par le baseball, les virées avec sa bande de potes dans les bars, se battre et les livres. Will a des facilités, c’est un autodidacte pluridisciplinaire, curieux de physique, chimie, mathématiques , philosophie… Son intelligence hors norme lui permet de retenir tout ce qu’il lit, il n’a pas seulement une mémoire photographique, il a don, quelque chose d’inné, d’inexplicable. Malheureusement comme beaucoup de personnes venant de milieux défavorisés, il se sent illégitime de ce don. Il subsiste en travaillant au service d’entretien dans la prestigieuse école du M.I.T, qui est loin d’être un hasard.

Quand Will ne balaie pas les couloirs de l’école il résout successivement deux théorèmes de mathématiques d’une grande difficulté, qui pique la curiosité de tous les étudiants et en particulier du Professeur Gérald Lambeau (Stellan Skarsgård) . Professeur adulé par ses étudiants, il a acquis sa réputation en remportant la prestigieuse médaille de Fields, décerner tous les 4 ans. Une distinction lui procurant une renommée dont il use comme arme de séduction.

L’ambition du professeur est de devenir le mentor du jeune Will, mais ce dernier est placé en détention au motif de coups et blessures en récidive. Alors il se porte garant, caution de Will mais en échange ce dernier devra travailler avec le professeur et voir un psychothérapeute une fois par semaine.

Will éblouit le professeur par sa vacuité d’esprit, et son génie, mais désespère bon nombre de psychothérapeutes présentés à lui. Résigné le professeur fait appel à un vieil ami, enseignant et psychothérapeute, Sean Maguire (Robin Williams).

S’en suit une véritable rencontre entre deux entités de Boston Sud.

Lors de leur première rencontre Will adopte une attitude habituelle de défense usant de son intelligence pour disséquer, observer, puis interpréter la psychologie de son interlocuteur, mettre en abyme ses plus profondes failles. C’est alors que Sean sort de sa fonction. Il est immédiatement dans la réaction, dans un rapport de force avec le jeune homme lorsque le sujet de sa femme est abordé. Il adopte ainsi les mêmes codes que Will, et se montre comme son égal par ses origines communes à Boston Sud et à son comportement violent.

Mais, contrairement aux autres psychothérapeutes qui se délectent de savoirs théoriques, il met en pratique une méthode plus pédagogique, plus emphatique.

La deuxième rencontre marque un tournant dans leurs rapports. Sean emmène Will en dehors de son bureau, dans un lieux public, et lui délivre une leçon de vie, de sagesse. Ainsi, la psychologie est remplacée par la philosophie (en grec, amour de la sagesse). Sean place l’expérience de vie au-dessus de toute intelligence théorique, brisant l’armure du savoir de Will. C’est un hymne à la vie délivré par Sean face à Will, vierge de tout vécu, n’étant jamais sorti de son quartier. Le jeune intelligent, solide et culotté se protège par peur.

Tu n’es qu’un gosse

Enfant maltraité Will adopte un comportement d’autodéfense, et pour cela il a opté pour le savoir comme arme, à défaut de frapper avec ses poings Will boxe avec les mots pour se protéger de l’autre. Assurant sa propre défense au tribunal, défendant ses amis face à l’arrogance des étudiants d’Harvard, il se défend même d’aimer par peur de l’imperfection. Au fond de lui Will est un romantique, prônant le culte du moi, face à la peur de perdre l’autre. Il se retient constamment car il a peur de l’imperfection, d’être imparfait.

Will hunting et les « grosses » tètes d’Harvard

Le film aborde la question du regard de l’ambitieux qui manipule, de l’humaniste qui oriente, des concrets pour qui l’avenir est tout tracé, l’être aimé dont les attentes sont grandissantes au fil du temps. Le film délivre une réponse à l’inconvénient d’être né surdoué.

Une véritable réflexion nietzschéenne sur soi et les autres.

Sean n’a pu faire preuve d’empathie avec Will qu’en s’élucidant pour le comprendre. Réfléchissant toute la nuit, il a fait un travail sur soi. « Pour avoir de l’empathie, il faut que je le comprenne, pour le comprendre, au sens premier le « prendre avec », il faut que je comprenne des choses en moi pour ce qu’il est, résonne en moi, et pour que ça résonne en moi, il faut s’être intéresser à ce que je suis » comme l’explique Fabrice Luchini.

Nietzsche Fabrice Luchini 

Sean devient donc l’ami de Will, selon la philosophie de Nietzsche développée dans Ainsi parlait Zarathoustra, « Je vous enseigne l’ami qui porte en lui un monde achevé, l’écorce du bien, — l’ami créateur qui a toujours un monde achevé à offrir ». Sean lui offre son vécu, un monde achevé dont il refuse de reconstruire avec quelqu’un d’autre.

Au-delà d’une amitié, il lui transmet le gout pour l’indépendance, la liberté de choisir. Will définit la liberté en citant la Constitution des États-Unis d’Amérique, « Liberté est le droit de l’âme à respirer quand elle ne peut pas respirer à fond que les lois sont trop étroites sans la liberté, l’homme est une syncope. »

Le film nous rappelle ces professeurs qui enseignent non une matière, mais des leçons de vie, aux élèves c’est-à-dire à ces êtres destinés à être élevés. Cette humilité du passeur de transmettre, décrit par le personnage de Robin Williams en une phrase « j’enseigne ce que je sais , je ne dis pas que je sais le faire ».

Ce dont ignorait Will, c’est que l’on ne peut lire un homme comme on lit un bouquin, les livres dévoilent une vérité, mais la vérité délivre les Hommes.

Alban-Luc Audebrand

Categories: Throwback Thursday