Avec Validé, changement de registre pour Franck Gastambide, qui quitte les comédies pour se consacrer à un sujet plus sérieux : le rap français. Pour autant la culture urbaine est un univers qui le touche particulièrement et dont il s’est inspiré dans ses projets précédents : Les Kaïra et Taxi 5. Et pour cause, Franck Gastambide fait ses armes de réalisateur avec le collectif Kourtrajmé sur des clips de rap et en particulier sur le clip culte “Pour ceux” de Mafia K’1 Fry. C’est justement ça qui est prometteur, le rap français n’est pas abandonné dans les mains d’un inconnu mais bien dans celles d’un enfant du Hip-Hop. En interview, on apprend d’ailleurs qu’il réfléchit à ce projet depuis quelques années et c’est sa rencontre avec l’acteur Moussa Mansaly (aussi rappeur sous le pseudonyme de Sam’s) qui l’aide à passer le cap.

Lorsque j’apprends qu’un tel projet est en préparation, je suis immédiatement excité ! Enfin mes deux passions sont réunies dans un projet commun… Qu’une hâte, découvrir la série que j’attends le plus de l’année : Validé.

Synopsis :

Apash (joué par le rappeur Hatik) est propulsé sur le devant de la scène rap du jour au lendemain et commence à faire de l’ombre à Mastar (interprété par le rappeur Sam’s), un ancien, pilier du rap français. On découvre alors les coulisses de la musique : les rivalités, les maisons de disques, les négociations et les contrats mais aussi le changement de vie que cela implique et les tensions que cela peut causer au sein de l’entourage du jeune rappeur.

 

Mon analyse :

Rap puissant, cité de nuit et vue plongeante d’un drone volant au milieu des bâtiments, la scène d’introduction est marquante et souligne un réel effort artistique : je suis aux anges ! Mais je vais vite déchanter. En effet, sur les 10 autres épisodes aucun style cinématographique ne s’en dégage. Le réalisateur raconte son histoire de la plus simple des manières et c’est dommage.

Concernant le scénario, je reste mitigé. Le premier épisode est génial et marque les intentions : être fidèle à la réalité. On découvre rapidement le phénomène Apash dans un freestyle monstrueux qu’il crache au micro de Planète Rap sur Skyrock ! Les épisodes suivants sont dans cette lancée. On y suit le héro et ses acolytes faire leurs premiers pas dans une industrie musicale puissante dans laquelle tout est régi par l’argent. C’est super intéressant.

Mais après l’épisode 5, tout part en vrille. Le scénario créé des rebondissements à ne plus savoir quoi  inventer afin de mettre le héro dans des situations périlleuses. Cette seconde partie nous en fait voir de toutes les couleurs à tel point qu’on a l’impression de se retrouver dans les guerres de gang américaines des années 90 tellement le rappeur se fait braquer par des armes à feu… Des problématiques inintéressantes comme son idylle amoureuse avec une chanteuse viennent polluer les sujets pertinents. Et tous ces problèmes ne permettent pas de développer la partie sur le processus créatif et artistique. C’est décevant car les quelques scènes d’enregistrement au studio sont vraiment fantastiques.

De manière générale, les épisodes sont trop courts, on a presque l’impression qu’ils ont manqué de rush au moment du montage. La série balaye trop vite les sujets intéressants pour se concentrer sur ce qui va plaire aux adolescents fans d’Élite… triste réalité !

Pour autant la série se laisse regarder. Cela tient en grande partie à la BO incroyable et au casting génial. Quel kiffe de filmer des rappeurs qui envoient le feu au micro. Tous les morceaux sont géniaux et sont à retrouver sur Deezer et Spotify dans une compilation incroyable. La présence de rappeurs : Lacrim, Soprano, Kool Shen (NTM), Rim’K, Gringe, Mac Tyer, Ninho… rend l’univers vraisemblable. Plus largement on peut saluer l’effort de toutes les institutions rap qui ont répondu présent et contribuent grandement à crédibiliser le projet. Tout le monde y va de son apparition et c’est vraiment plaisant : Fif de Booska’P, Rachid Majdoub de Kombini, Pascal Cefran et le plateau de Mouv’, Laurent Bouneau et Fred Musa de Skyrock, Cyril Hanouna et les équipes de TPMP ainsi qu’Oumardinho et Driver.

Le casting est le point fort de la série et il faut le souligner. Mise à par quelques scènes, les acteurs jouent vraiment bien. On peut en particulier souligner la prestation de Sam’s qui joue un rappeur “gangsta” alors que c’est un rappeur effacé et une personne chaleureuse dans la vie, celle de Franck Gastambide (DJ Sno dans la série), parfait dans le producteur de bon conseil et celle de Sabrina Ouazani géniale dans la directrice artistique protectrice. On a également de bonnes surprises avec Hakim Jemili qui se débrouille bien en méchant et les acteurs principaux Saïdou Camara et Brahim Bouhlel, très bons dans leurs registres respectifs pour un premier film. Puis, impossible de ne pas parler des deux jeunes rappeurs tant ils sont charismatiques, je parle bien sûr de Hatik (Apash) et de Bosh (Karnage, le rookie concurrent du héro), qu’est-ce qu’ils rappent bien.

Pour conclure, Validé devait relever l’immense défi de représenter pour la première fois le rap français à l’écran, et le contrat n’est qu’à moitié rempli. La comparaison avec la série Dix pour cent faite par certains médias ne tient pas la route tellement le fossé en terme d’écriture et de scénario est important. Néanmoins, grâce à une direction artistique et musicale de qualité (assuré par Sam’s), la série se laisse regarder. L’étrange impression qui m’en ressort est celle d’avoir assisté à la promotion génialissime du rappeur Hatik plutôt qu’à une série réussie… Mais la France à un tel retard sur les Etats-Unis pour parler de rap au cinéma qu’il faut saluer l’initiative. Il fallait un précurseur et Franck Gastambide l’a été.

Cela ne peut qu’ouvrir des portes vers de nouveaux projets ambitieux et c’est encourageant pour le futur. Au vu du succès populaire, on peut espérer une saison 2 mieux construite… on croise les doigts !

 

Critique écrite par Bastien Echard

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