Calmos, troisième long métrage du grand Bertrand Blier qu’il proclame lui-même comme étant “la plus grosse connerie de [sa] carrière”, n’a pas toujours eu le statut de film culte qu’il détient à ce jour. Longtemps considéré de nanar misogyne (alors que la femme n’a jamais été vue aussi forte et affirmée que dans ce film) et irrévérencieux, il est devenu un exemple de marque d’un cinéma anticonformiste et révolutionnaire qui se fait de plus en plus rare à notre époque. Deux ans après avoir causé une immense polémique engendrée par des critiques virulentes avec son film Les Valseuses, pour des séquences tenant plus au XXX qu’à l’érotique, Blier en remet une couche, et pas des moindres. Ainsi, Calmos témoigne du déferlement de la vague de féminisme et de libération sexuelle des années 70, tout comme La Cité des Femmes de Fellini le fit à son tour d’une manière similaire trois ans plus tard.

Le pitch du film est le suivant : deux hommes, Paul (Jean-Pierre Marielle), un gynécologue, et Albert (Jean Rochefort), un commissaire de police, se rencontrent par hasard dans la rue et deviennent d’un coup d’un seul meilleurs amis car s’il y a bien une chose avec laquelle ils sont tous les deux d’accord, c’est bien qu’ils en ont marrent des femmes. Exténués par la gente féminine, ils décident à brûle-pourpoint d’abandonner leur vie en laissant tout derrière eux, dont leurs compagnes, pour partir à la campagne, totalement coupés du monde, dans le désir de se rappeler des plaisirs simples (notamment de la bonne chère). Étant traqués obsessivement par leurs conjointes, cela laisse présager que leur quiétude ne sera pas éternelle. Nos deux bons vivants ne sont pas au bout de leurs surprises étant donné que leur inhabituelle initiative inspire des milliers d’hommes à fuir leurs femmes. La situation dégénère, menant ultimement à une guerre des sexes , une guerre non pas idéologique mais bien une véritable guerre civile totalement loufoque… Rien que pour le grand final kubrickien, il vous faut absolument jeter un coup d’œil à cet OFNI (Objet Filmique Non Identifiée) !

Pour synthétiser, même si le film divisait dans les années 70 et divisera toujours, Calmos a vraiment tout pour plaire, ne serait-ce que son degré stratosphérique d’humour cocasse, ainsi que de savoureuses et mordantes répliques audiardesques interprétées par le fabuleux duo de moustachus franchouillards Rochefort/Marielle tous deux au sommet de leur carrière. On notera aussi une fabuleuse bande-son signée Georges Delerue, mythique compositeur de la Nouvelle Vague multiplement césarisé, qui réalise ici, tout comme ordonné par le réalisateur, des compositions de jazz collants à merveille avec les vocalises de Slam Stewart, la basse chantante.

En cet âge du cinéma pudibond qui ne laisse place qu’au premier degré et au crétinisme identitaire, livrez-vous à cette perle méconnue du cinéma français qui ne se prive de rien, car c’est bien l’une de ses plus grandes forces ; en aucun cas il n’essaie de plaire, mais bien au contraire il cherche plutôt à provoquer le spectateur de part son approche nonsensique d’un sujet brûlant, aujourd’hui plus que jamais.

Interdit au moins de 16 ans, c’est toujours bien de le préciser pour les âmes sensibles…

Antoine Massip

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