Sortie en salle le 18 janvier 2023 – récompensé par l’ours d’or à la Berlinale 2022

En terre catalane, « Nos Soleils » nous plonge dans l’intimité d’une famille paysanne qui vit de la cueillette des pêches sur une exploitation depuis plusieurs générations, mais qui doit faire face à la menace d’une modernité invasive pour leur commerce : le propriétaire veut remplacer les pêchers par un parc de panneaux solaires.

Cette articulation entre tradition et modernité se retrouve même au sein de la famille où elle fait naître des dissensions : le refus du père, la résignation du beau-frère et les solutions alternatives du fils. L’histoire ne verse pas pour autant dans la caricature et se permet au contraire de jouer d’une certaine ironie avec par exemple la scène du père qui détache un panneau solaire en signe de protestation mais est contraint de le remettre le lendemain faute d’électricité.

Au sein de cette famille coexistent deux entités spectatrices de cet affrontement, le grand père qui dans sa mansuétude est en partie responsable de la perte de l’exploitation pour ne pas avoir signé de documents écrits à l’époque et les enfants, innocents qui n’ont pas encore conscience de toutes les épreuves que traverse leur famille.

Carla Simón filme à travers les yeux de chaque membre de la famille leur vie, leurs passions ; les danses Tiktok pour les plus jeunes, la techno et les boîtes de nuit pour ceux qui entrent dans l’âge adulte et les fêtes traditionnelles pour les plus vieilles générations. Malgré cela ils se retrouvent tous dans des moments de complicité touchants : d’entraide pour la récolte des pêches ou de joie autour d’une piscine. Tout au long du film ces moments épars de vie familiale simple et authentique, permettent d’échapper à toutes formes de jugement ou de désespoir. Ils contribuent à défaire les tensions et à redonner une certaine légèreté au propos.

Si la crise économique et sociale est bien l’objet principal du film, étayée par des scènes de manifestations sur des tracteurs, le chômage des travailleurs immigrés et les difficultés pécuniaires, cet enjeu n’est cependant pas vraiment développé au profit de scènes parfois trop anecdotiques. Les états d’âme de chacun nous échappent souvent, du fait de dialogues peut être un peu avares qui jettent un voile opaque sur la communication au sein de la famille. La réalisatrice préfère nous montrer une relative déchéance physique du grand-père qui ne peut plus conduire et du père dont le corps est usé par les travaux manuels, piètre allégorie d’une société paysanne qui périclite.

Cet aspect du film permet cependant de garder une certaine pureté, et de présenter des personnages pudiques dont le contraste est renforcé par des interactions dénuées de grandiloquence. Tous se retrouvent alors sur le plan final pour faire le même constat : la grue est bien là pour déraciner les premiers pêchers.