Play de Anthony Marciano – Boyhood de Richard Linklater.  Deux films liés par leur intention : raconter une génération.

Comment deux films qui n’ont à première vue rien à voir parviennent finalement à se retrouver dans leurs intentions.

 Play raconte l’histoire de Max. Né en 1980 à Paris, il reçoit à l’âge de 13 ans son premier caméscope qu’il ne va plus jamais quitter. Il se met à filmer tous les instants de sa vie, son quotidien comme les grands évènements. 20 ans plus tard, Max décide de monter le « film de sa vie » et ainsi revoir tous les grands moments de son existence.

Dans Boyhood, on suit l’enfance de Mason, de ses 6 ans à sa majorité. Né au Texas à la fin des années 1990, on l’accompagne durant la séparation de ses parents, les multiples déménagements avec sa sœur et sa mère, les rentrées des classes, ses aventures amoureuses…

L’idée général des deux films est donc assez proche : voir un enfant grandir. Mais en réalité, les films sont très différents dans la forme. Déjà sur le choix technique.

 Play a choisi la technique du found footage*, puisque c’est Max qui filme sa vie. C’est un genre rare et très peu utilisé dans les comédies. Un choix risqué mais pertinent : cela permet de vraiment être au cœur des moments de sa vie et au plus proche des personnages. Max et ses amis peuvent facilement nous parler à travers le caméscope, puis un téléphone portable. En effet, le film suit l’évolution technologique au fil que le héros grandit ce qui est vraiment très bien vu.

Par ailleurs, la caméra suit très souvent le regard de Max, donc on sait sur quoi se concentre notre personnage. Ses amis bien sûr, mais une en particulier…

Quant à Boyhood, le choix est encore plus ambitieux puisque c’est en réalité toujours les mêmes acteurs qui jouent leur rôle. Mais alors, comment faire pour que l’acteur joue à la fois un enfant de 6 ans et un ado de 15 ans ? Et bien on attend. En effet, le réalisateur a fait le pari fou de tourner le film par intermittence pendant 12 ans, de 2002 à 2013. Un choix ultra audacieux mais totalement réussi. Les acteurs sont excellents à tous les moments de leur vie.

L’autre différence majeure entre les deux films est bien évidemment l’histoire. Le cadre de vie varie du tout au tout. La localisation, le niveau de vie… L’un est à Paris, l’autre est au Texas. L’un est plutôt aisé, l’autre a du mal à joindre les deux bouts. L’un a une vie plutôt tranquille et stable, l’autre déménage, change de père… En découle nécessairement des histoires de vie très variées. L’un a une bande d’amis très proches, se fait recaler en boite de nuit, assiste à la victoire des Bleus. L’autre déménage sans cesse, a du mal à sociabiliser à l’école et mène une vie simple en banlieue de Houston.

En réalité, chaque personnage a sa façon de grandir. En découlent alors deux histoires de vies très différentes mais totalement passionnantes et vibrantes.

Les deux films ont finalement une grande chose en commun : chacun raconte à travers son personnage, l’aventure d’une génération :

La grande force de Play, au-delà de la forme, est de comprendre sa génération. Celle qui vient d’avoir 40 ans et qui a grandi avec des influences comme Fight Club, Oasis ou La Cité de la Peur… On ressent une grande nostalgie pour cette époque juste avant le téléphone portable, internet, les réseaux sociaux mais aussi une grande envie de la raconter aux générations suivantes.

Dès lors, les références qui parsèment le film ne sont pas simplement présentes pour maintenir le film dans le réel, mais aussi pour rappeler des souvenirs de jeunesse au spectateur.

Quant à Boyhood, il raconte la vie d’un gamin texan. On suit l’enfant, puis l’adolescent dans son quotidien. Le film dépeint alors cette classe moyenne américaine du début des années 2000, qui n’est pas aussi riche qu’espérée et qui a peur de tomber dans la pauvreté. Mais c’est encore une génération qui croit en son pays et à la possibilité d’ascension sociale par l’école et le travail.

Pour conclure, voilà deux grands films très différents dans leur forme. Mais dans le fond, ils partagent cette même envie fondamentale et sincère de raconter une génération à travers la vie d’une seule personne. D’un côté la génération 90 en France, de l’autre la génération 2000 du Sud des US.

Les deux œuvres sont remarquablement touchantes et attachantes.

Boyhood de Richard Linklater est disponible sur Amazon Prime Video.

Play de Anthony Marciano est disponible en VOD et à partir du 21 avril 2021 sur MyCanal.

Vive le cinéma !

* « Genre cinématographique qui repose sur le principe du métrage trouvé. Chaque film est censé avoir été tourné par un des personnages puis retrouvé par quelqu’un d’autre avant de nous être présenté. C’est un procédé qui renverse une convention traditionnelle de la fiction puisque les caméras utilisées pour tourner le film existe aussi dans la diégèse (l’univers du film) » Karim Debbache

PS : si vous aimez l’ambiance de Play, je vous recommande la série Bref de Kyan Kohojandi dont les références sont parfois les mêmes.

Si vous avez aimé le cadre sudiste américain de Boyhood, je vous conseille la filmographie de Jeff Nichols et en particulier Mud, dont l’atmosphère est assez proche.

Gaétan Chenus

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