Mai 2019, la réalisatrice Céline Sciamma connaît enfin sa toute première sélection en compétition cannoise avec son Portrait de la Jeune fille en feu. Flamboyante réalisation, le film obtient le prix du scénario à Cannes, le César de la meilleure photographie et j’en passe… de quoi saluer la captivante mise en scène et l’esthétisme si brillamment travaillé du long métrage. Mais Portrait de la Jeune fille en feu, c’est en réalité bien plus que ça…

Dans une France de 1770, Marianne est peintre et doit réaliser le portrait de mariage d’Héloïse, une jeune femme qui vient de quitter le couvent. Héloïse résiste à son destin d’épouse en refusant de poser. Introduite auprès d’elle en tant que dame de compagnie, Marianne va devoir la peindre en secret. C’est le début d’une brulante relation qui naît entre les deux femmes.

Ce film dépeint l’esquisse d’une véritable révolution amoureuse ; visuellement parlant avec des plans tels des toiles du XVIIIe siècle, chaque détail y est pour dessiner avec une saisissante subtilité le lien intense qui se crée au fil de l’intrigue entre les deux protagonistes. Qui plus est, les exceptionnelles performances des deux actrices principales, les célestes Adèle Haenel et Noémie Merlant, subliment d’autant plus cette histoire d’amour impossible, et ce avec une grâce et une délicatesse infinie. Chaque parole, chaque geste, chaque regard est rythmé pour faire grimper le désir crescendo jusqu’à son explosion dans une tendre violence qui ne manque pas d’ébranler le spectateur.

Mais Portrait de la Jeune fille en feu, c’est aussi un film avec une profonde portée féministe. Céline Sciamma place un casting essentiellement féminin dans un contexte où le sort patriarcal du mariage arrangé pèse considérablement sur la vie d’une femme à cette époque, et fait subir à Marianne et Héloïse la tragédie de leur amour impossible. A noter que le titre est très évocateur : une jeune fille en feu, c’est aussi celle qui vit selon ses désirs malgré les injonctions et les pressions sociales. La cinéaste rappelle d’ailleurs habilement que d’autres problématiques anciennes, telles que les revendications des femmes artistes à davantage de visibilité ou la liberté entravée d’aimer qui on veut quand on veut, n’ont hélas rien perdu de leur actualité.

Poignant et bouleversant de sensibilité, le film reflète incontestablement le génie artistique et scénaristique de Sciamma, que l’on peut retrouver dans ses autres longs métrages dont La Naissance des Pieuvres (2007) ou Petite Maman (2021) que je suggère aussi vivement !

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