En ce mois de Novembre 2020, Ron Howard nous fait le plaisir de nous retrouver, deux ans après son inconsistante et maladroite approche de l’univers de Star Wars, avec Une ode américaine, sa première œuvre sur Netflix. Howard, réalisateur au succès fulgurant, qui nous aura marqué notamment avec le magistral Un homme d’exception et l’inégale trilogie Robert Langdon (Da Vinci Code, Anges & Démons, Inferno), s’attaque à l’adaptation des mémoires de l’homme d’affaire J.D. Vance intitulée Hillbilly Elegy, vendues à plus de deux millions d’exemplaires et traduites dans une dizaine de langues.

Étant un fervent supporter de Joe Biden, à qui justement il prêta main forte pour le financement de sa campagne présidentielle, l’adaptation de l’histoire d’une amérique profonde, pour ainsi dire trumpiste, par un démocrate dans l’âme, allait sans aucun doute faire des vagues d’un point de vue critiques de presse. Ce ne fut pas en effet une histoire sans parole car le film eut la disgrâce d’être littéralement massacré et fustigé par la presse américaine, considéré comme étant “une ode pornographique à la pauvreté”. De notre point de vue européen, il nous est bien ardu de comprendre le fondement de ces critiques d’une acariâtreté sans précédent.

 

Une ode américaine, fresque sociale de l’Amérique blanche oubliée, nous plonge au cœur de la Rust Belt afin d’explorer le rêve américain à travers trois générations d’une famille typique ouvrière défavorisée. J.D. Vance effectue une anamnèse, narrant sa jeunesse au sein de ses proches tous aussi dysfonctionnels les uns que les autres avec lesquels il tint indéniablement des relations alambiquées. Nous suivons les pas d’un jeune bec-jaune négligé ainsi que tourmenté par sa mère lunatique et toxicomane, une Amy Adams particulièrement taciturne, abjecte, mais néanmoins pour laquelle nous ressentons une profonde empathie.

Entre en scène la grand-mère de Vance (Glenn Close) qu’il appelle affectueusement Mawmaw, qui jouera un rôle décisif dans sa vie, puisque qu’il y a bien une chose dont il manque crucialement pour s’extirper de sa précarité, c’est d’une mère à proprement parler, droite dans ses bottes pouvant assurer une transmission de valeurs fondamentales à sa descendance. Le film illustre donc une mentalité caractéristique des américains : la nécessité d’un individu de se battre coûte que coûte contre sa misère avec un courage et une volonté de fer afin de gravir les échelons pour réussir. C’est ça l’American Dream ! Malgré ses nombreuses séquences larmoyantes et cafardeuses, Une ode américaine est avant tout une fable d’espoir, élogieuse de l’amour maternel, mettant en valeur l’importance des racines.

Que les choses soient claires, “L’élégie des péquenauds” (traduction littérale de “Hillbilly Elegy”) n’est en aucun cas un film parfait. S’il y a bien une chose regrettable avec celui-ci, c’est bien que l’arc narratif cible trop ses personnages, effleurant à peine le contexte social et versant politique dans lequel ils évoluent. De plus, se situant principalement dans les années 90 et retraçant l’histoire de plusieurs générations, il y avait lieu de faire ressentir une certaine nostalgie aux spectateurs, mais il n’en fut rien.

En dépit d’autres défauts moindres que nous nous priverons d’élaborer tels qu’une réalisation peu inspirée et rarement ambitieuse, le mélodrame est tout de même suffisamment chargé de bonnes choses pour en valoir, sans le moindre doute possible, le visionnage. Si vous me demandiez ce qu’est l’atout principal de ce film, je vous répondrai mille fois : GLENN CLOSE ! Elle s’exécute avec détermination et férocité, en donnant toujours un soupçon de vulnérabilité, ce qui rend sa performance de matriarche éprouvée infiniment attachante et mémorable. À ce jour, elle est indubitablement la plus grande compétitrice pour l’Oscar de la meilleure actrice, Oscar qui est à mon goût amplement mérité pour ce monument du 7ème art déjà revenu bredouille de la cérémonie à sept reprises. Mention honorable pour l’exemplaire performance d’Amy Adams.

Par ailleurs, si vous n’étiez pas encore certain du génie d’Hans Zimmer, ce film vous fera enfin comprendre pourquoi il se classe parmi les plus grands compositeurs de l’histoire du cinéma. Ce qui est formidable avec Hans, c’est que chacune de ses notes intensifie et sublime ce qui se passe à l’écran, rendant l’initiation netflixienne d’Howard d’autant plus épique, percutant, et poignant. Frissons garantis !

Si le film vous laisse de marbre durant 2h, il serait bien temps que vous fassiez appel à un psychanalyste, tant il est inconcevable de rester indifférent à cette tornade émotionnelle.

Antoine Massip

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