Le blues du capitaine

La Vie Aquatique, Wes Anderson (2005)

La Vie Aquatique de Wes Anderson est le quatrième film du réalisateur dans lequel nous suivons donc toute la petite équipe hétéroclite du capitaine Zissou (Bill Murray) qui arpente les océans à la recherche d’un mammifère géant. À travers ce périple, les relations entre les différents personnages évolueront et se révéleront.

Dans La Vie Aquatique, Wes Anderson multiplie les références au commandant Cousteau. Le bateau, le Belafonte nous rappelle un célèbre Calypso, navire de Jaques-Yves Cousteau. Les costumes aussi sont un hommage à l’esthétique si particulière de l’explorateur français. En effet, l’équipage de Steve Zissou revêt ces uniformes bleu ciel, ornés de bonnets rouges.

Dans ces références au commandant Cousteau, nous retrouvons la relation tumultueuse entre Steve Zissou et son épouse Eleanor Zissou (Anjelica Huston).  En effet, Eleanor, le cerveau de l’équipage, à l’image de Simone Melchior, ancienne épouse et irremplaçable compagne de voyage de Jaques-Yves Cousteau, fuit son mari irritant et orgueilleux.

Steve Zissou fait également la rencontre de Ned Plimpton (Owen Wilson) qui se présente à lui comme étant son fils, issu d’une aventure que le capitaine aurait eu avec la mère de Ned il y a deçà une bonne vingtaine d’années. Ned est pilote de ligne dans le Kentucky. Ses compétences de pilote lui permettent d’aider l’équipage depuis les airs, tout comme le faisait Philippe Cousteau, fils du célèbre commandant.

Cousteau influence donc indéniablement le film de Wes Anderson. Les références à Cousteau permettent de donner un cadre au scénario et de dégager une ambiance marine du film pour laquelle le réalisateur texan s’est fait plaisir et, par la même occasion, nous fait plaisir. Toujours est-il que le film ne semble pas tant se préoccuper des aventures de notre parodique commandant Cousteau, Steve Zissou.

Steve Zissou aussi est océanographe et produit des films qui ne rencontrent, eux, à l’inverse de Cousteau, pas de francs succès. Mais il persiste. C’est d’ailleurs ce qui apparaît comme étant l’intrigue principale. Steve Zissou part à nouveau en mer et en tournage à la recherche du requin jaguar, somptueuse créature des fonds marins qui aurait dévoré son ami et collègue, Esteban.

À travers la poursuite du requin-jaguar et du documentaire fictif que Zissou et son équipage réalisent, Wes Anderson creuse davantage et aborde des thèmes plus universels et moins rocambolesques tels que le deuil, l’échec, l’errance et la remise en question. Ces thèmes sont principalement abordés en se centrant sur le personnage de Bill Murray. Steve Zissou vit de nombreuses aventures comme la rencontre avec son potentiel fils, la traversée d’océans, une rencontre avec des pirates et toujours cette quête du requin-jaguar. Ces péripéties pourraient rythmer le scénario et le dynamiser. Ce n’est pas le cas, le film a des longueurs, à l’image de Steve Zissou pour qui la vie semble être un long spleen. Peut-être est-ce un parti pris de Wes Anderson. Tenter de nous faire ressentir, à une échelle différente, à travers notre écran, les émotions, souvent fades, de Steve Zissou.

Steve Zissou peine d’ailleurs à masquer ses doutes, ses faiblesses. Pour essayer de tromper les spectateurs, il a tendance à se mettre en scène durant le tournage du documentaire fictif. Son navire semble, lui aussi, être à l’image de son capitaine. Le vaisseau apparaît souvent tronqué, ce qui laisse penser que ce navire n’est rien d’autre qu’un décor de théâtre, qu’il est factice. La référence est apparente : Steve Zissou joue un rôle dans ses documentaires et dans sa vie, apparaît comme un acteur de théâtre qui tente tant bien que mal de duper les autres et lui-même.

Les autres personnages expriment eux-aussi une détresse. Ned cherche désespérément la reconnaissance de son père. Klaus (Willem Dafoe) est en quête de sens et vit son engagement au sein de l’équipage comme un sacerdoce. Jane (Cate Blanchett) est livrée à elle-même, abandonnée avec son futur enfant sur ce rafiot, et censée interviewer un vieux marin mélancolique dont les gloires appartiennent au passé.

En somme, sous ses nuances de bleu et en suivant l’équipage de navire dédié à la recherche scientifique, ce film de Wes Anderson aborde des thèmes plus en profondeurs. La force de ce film est de mettre du beau sur des sujets assez sombres.

 

Brieuc de Couesnongle

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