Synopsis :
« J’ai toujours eu des idées puis je me suis réveillé un matin, j’avais plus d’idées, j’arrive plus à penser. » déclare le maire de Lyon, Paul Théraneau, (incarné par Fabrice Luchini). Pour résoudre ce problème, on décide de lui adjoindre Alice Eiman, (interprétée par Anaïs Demoustier) jeune intellectuelle diplômée de l’ENS de Lyon. Son rôle ? Le faire penser.
Entretien avec Nicolas Pariser :
Pour éviter que le film ne soit un consensus de pensées et dialogues philosophiques celui-ci a abandonné le choix de faire d’Alice une philosophe pour en faire une littéraire.
Dès le départ il y a une opposition très marquée entre les deux personnages, d’un côté quelqu’un qui a une vocation très forte, de l’autre quelqu’un qui n’a pas de vocation. Pour Nicolas Pariser, la politique est comme la musique, la peinture, elle est destinée aux personnes qui sont appelées par la vocation. Mais celui qui a une vocation (le maire) n’a pas de contenu, d’idées, alors que l’autre (Alice) a du contenu mais ne sait pas quoi en faire.
Pour son film Nicolas Pariser ne voulait pas d’un discours démesurément critique, pas de surplomb, il se positionne ainsi comme le personnage d’Alice, neutre, ouvert au dialogue. Il appelle ainsi à l’indulgence, avec un personnage à la fois dupe et maîtrisé. Nicolas Pariser critique d’ailleurs cette pensée selon laquelle ne pas être dupe serait une posture intellectuelle intéressante, une erreur d’après lui, très française. Aujourd’hui les gens ont l’impression d’une impuissance politique infinie, d’un mur infranchissable, mais en même temps, si on supprime et on arrête tout on tombe dans la catastrophe. Ce film est alors un appel à la modestie, le personnage de l’amant est en surplomb par rapport au discours politique et au choix d’Alice, il reste dans l’erreur car il se détourne de la modestie.
Il y a donc selon Nicolas Pariser une ambivalence entre l’utopie et ce qu’on est réellement capable de faire. On arrive aujourd’hui à une sorte de vertige de la discussion, il prend à juste titre l’exemple du Brexit où la discussion est impossible, ils ne savent juste pas quoi faire. Face à cette spirale infernale, il relève par la suite les mots amères du discours de Nicolas Sarkozy qui suggérait que jusque-là nous avions était « trop gentils ». On assiste alors à une crise de la démocratie avec d’un côté le discours de la droite et l’idée que la démocratie a été trop laxiste et de l’autre le discours de la gauche et l’idée au contraire que la démocratie a été « trop molle avec le capitalisme ».
Il relève ensuite le paradoxe de la société d’aujourd’hui avec un éloignement de la morale. Car oui, aujourd’hui on assiste à des étudiants qui du collège à la terminale ont été dans des écoles publiques avec des professeurs de gauche puis qui par la suite, pour leur orientation professionnelle, oublient en quelque sorte la morale pour essayer de rentrer dans une réalité économique. On pense alors à la classique opposition entre le Bac Scientifique et le Bac Littéraire, aujourd’hui les études littéraires ne sont plus privilégiées et même plutôt dénigrées. L’intellectuel et la pensée ne sont plus mis à l’honneur. Nicolas Pariser dénonce alors le fait que « Plus on est cultivé, plus on est paumé ». Comme si la réflexion empêchait finalement l’action et rendait la vie compliquée. Il explique : « L’instruction et la culture ne donnent pas de clairvoyance à ce qu’on a envie de faire». Chose qu’on observe à travers le parcours du personnage d’Alice, une étudiante brillante, diplômée de l’ENS de Lyon et intellectuelle dans l’âme qui pourtant reste dans le flou et l’indécision.
Mais alors, peut-on à la fois être intellectuel et politique ? Selon Nicolas Pariser, ce n’est plus un métier où il y a de la place pour réfléchir. La pensée fait hésiter et quand on hésite, on ne fait rien. C’est d’ailleurs ce qu’on reproche à Alice, on l’accuse de trop pousser le maire à la réflexion et de l’empêcher ainsi de passer à l’action. A partir du moment où il va se remettre à penser il va bloquer sa capacité à agir. Nicolas Pariser évoque alors en conclusion « l’articulation penser-discuter-agir » qui semble tristement être devenue « mortelle pour la démocratie ».
Marouchka Alexandroff