Avant toute chose, il me faut préciser que je vais tenter de parler de musique. C’est une
tâche ardue puisque décrire par des mots de la musique revient forcément à perdre énormément d’informations dans la traduction. De plus, communiquer sur la musique de façon compréhensible revient à échanger son ressenti, et les émotions qu’elle peut provoquer. Ainsi, tout ce que je vais énoncer est absolument et parfaitement subjectif, et comme la plupart des sentiments, incroyablement difficile à décrire.

Pour replacer le décor, Sunshine est un film de Danny Boyle, sorti en 2007, qui raconte
l’histoire d’astronautes partis en mission, à bord de l’ICARUS II pour « rallumer le soleil ». En effet, en 2057, celui-ci subit une baisse d’activité, ce qui menace la survie humaine. C’est un film de science-fiction autour du thème de l’espace, et en tant que tel, il reprend beaucoup de codes du genre : la sublimation du vide, l’infini, la détresse liée à l’inconnu ou la solitude absolue… En soi, le scénario n’a rien d’extrêmement novateur, et ressemble à Interstellar dans la mesure où il traite de la survie humaine grâce à la maîtrise des éléments (en l’occurrence l’espace). Mais, ici ce que je voudrais souligner, ce n’est pas tant le fond, mais la forme. Je m’explique : ce qui est intéressant dans ce film, c’est l’alliage de la musique avec la trame narrative. Je ne parle pas d’un travail de synchronisation des images sur la musique comme dans Baby Driver, par exemple, mais d’une adéquation entre les thèmes musicaux et les thèmes scénaristiques. Pour moi, la bande originale remplit vraiment ce que devrait être sa fonction première, c’est-à- dire, accompagner l’image pour faire ressentir le spectateur. Il me semble que peu de films ont cette intention envers la musique ou réussissent à la réaliser. Souvent, la bande originale est utilisée comme « décor » ou sers à combler. Dans d’autre cas, elle n’est tout simplement pas à la hauteur pour sublimer le film.

C’est là qu’entre en jeu John Murphy, le compositeur de la bande originale de
Sunshine. Pour citer ces œuvres les plus connues, il a travaillé sur 28 jours plus
tard, 28 semaines plus tard, et Kick Ass. Une des musiques composées pour
Sunshine, Adagio in D minor a depuis été souvent utilisée dans des trailers, ou
dans d’autres films. La maîtrise de ce compositeur le rend apte à faire passer des
émotions à travers ses musiques : la lenteur, la simplicité des mélodies, les tons
plaintifs, et la tonalité mineure engendrent une exaltation des sens, une mélancolie rêveuse et une impression de transcendance. C’est ce qui rend cette bande originale si
excellente : elle est puissante et provocatrice d’émotions. Ce n’est pas une musique « de fond », même le vide de l’espace, et son absolu silence est représenté en musique. Auditivement, elle ressemble beaucoup à la bande originale d’Inception pour le coté grâcieux, plein d’espoir, presque cérémonieux. Mais, pour Sunshine, cela est mélangé à une nostalgie et un déterminisme profond car on y ressent le tragique de la fatalité et du manque d’échappatoire.

Pour illustrer mes propos, je pense notamment à une des premières scènes du film, ou un
des personnages se tient face au soleil, et se trouve inondé par sa lumière. Celle-ci a son propre thème musical, et ainsi l’image est transcendée par le son. J’ai ressenti l’impression d’être étouffée, englobée par cette lumière, d’une manière violente. A l’image, les yeux sont agressés par une lumière vive et omniprésente, et au son, les tonalités stridentes et épileptiques font ressortir le caractère urgent, et menaçant de la situation.

Pour moi, cette bande originale fait partie d’un genre bien particulier de musique, celui
souvent qualifié de « musique ambiante », car en général dépourvu de paroles, mais que j’appelle la musique contemplative, car c’est l’émotion qu’elle provoque à chaque écoute. Je classe beaucoup de bandes originales dans ce genre, comme Time de Hans Zimmer, ou encore le thème principal d’Interstellar du même compositeur. Mais il en existe d’autres, notamment Outro de M83 . C’est un genre qui transporte, libère, qui amène à ressentir l’univers, à prendre conscience de soi et de l’infini : le style de musique fétiche qu’on écoute en regardant les étoiles, et qui a toujours un impact
émotionnel puissant.

Je pense qu’il est important de solliciter plusieurs sens pour une expérience
cinématographique plus complète. Ainsi, lorsque l’intention du scénario est de faire passer ce genre d’émotions, et que la musique est là pour les sublimer, c’est-à- dire lorsque la musique est réellement adaptée au film, alors il devient vraiment marquant.

Lorène Pierrat

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