Extérieur Nuit à eu la chance de se rendre à Cannes pour la 75e édition du Festival International du film. Entre files d’attente, nœuds papillon et robes de soirées, nous avons eu la chance d’assister à des avant-premières et des séances spéciales dans ce cadre si prestigieux. Des films originaux souvent riches en émotions, parfois décevants, mais toujours éblouissants dans un contexte unique.

 

Cannes jour 1

The Truman Show de Peter Weir

Un classique du cinéma projeté sur le cinéma de la plage pour faire honneur à l’affiche de cette année. On rit avec Jim Carrey, mais on réfléchit aussi sur la liberté, le droit…

 

Cannes jour 2

Esterno Notte de Marco Bellocchio

À mi-chemin entre un chef-d’œuvre de réinterprétation politique palpitante (des scènes surréalistes épiques et grandioses) et un somnifère puissant.

Des interprétations exceptionnelles dont celle du légendaire Toni Servillo dans le rôle du pape. Il était d’ailleurs présent lors de cette première. Il a osé sortir son cigarre en fin de projection alors qu’il était sur scène et s’empressa de l’allumer avec une élégance folle qui est propre à son personnage de dandy italien.

 

Coupez ! de Michel Hazanavicius

Un film d’ouverture séduisant : réalisateur confirmé (Michel Hazanavicius), joli casting (Romain Duris, Bérénice Bejo, Finnegan Oldfield, Jean-Pascal Zadi…) au service du remake d’une comédie japonaise brillante. C’est un film original et extrêmement drôle. Michel Hazanavicius fait part d’une intelligente réappropriation du film japonais Ne coupez pas ! avec une mise en abyme des plus réussies et qui ne manque pas de faire tordre de rire la grande salle, avec des personnages touchants et des répliques qui ne tarderont pas à devenir des références humoristiques cultes.

Coupez ! est déjà en salle depuis le 17 mai, une bonne occasion de le découvrir ou avoir le malin plaisir de le faire découvrir.

 

La Femme de Tchaikovsky de Kirill Serebrennikov

Le réalisateur était particulièrement attendu par un grand nombre de ses admirateurs sur cette reprise audacieuse et moderne d’une relation amoureuse toxique unique et déchirante. Il s’est une fois de plus réinventé tout en restant fidèle à son style et à ses idéaux.  Toute l’atmosphère lourde et la puissance du film convergent vers ce qui restera certainement l’une des scènes les plus mémorables de la carrière du cinéaste russe : une danse macabre, passionnée, et surréaliste. C’est un quasi coup de cœur pour le groupe. On regrettera juste que la fantastique performance de la jeune actrice Alyona Mikhailova n’ait été récompensée.

 

Rendez-vous avec Tom Cruise

C’est un immense honneur de pouvoir assister à la masterclass de Tom Cruise. Une heure de quasi-monologue sur son enfance, sa vision du cinéma, ses rôles… Les médias auront beaucoup retenu sa défense de la salle. En effet, il avoue avoir refusé que Top Gun : Maverick sorte directement sur une plateforme : “Je fais des films pour le grand écran. Mes films ne sortiront pas directement sur les plateformes. Aller au cinéma, c’est partager une expérience, quelle que soit notre culture ou langue

Aussi, lorsqu’on lui demande pourquoi il fait ses cascades lui-même : « C’est comme demander à Gene Kelly pourquoi il danse !« . Cela semble pour lui une évidence, mais aussi un plaisir de se dépasser à chaque film et proposer du grand spectacle au public.

Petit défaut. La rencontre a eu lieu dans une grande salle sans possibilité de poser des questions. La rencontre fut moins intimiste et interactive qu’à l’accoutumé. Mais on se délecte tout de même de ses paroles toujours aussi inspirantes.

La Masterclasse disponible en intégralité : https://youtu.be/Yclipex1nFQ

 

Top Gun : Maverick de Joseph Kosinski

La montée des marches requiert toujours une patience de fer, surtout pour ce film tant attendu. Mais première grosse surprise pendant cette attente, la patrouille de France qui passe juste au-dessus du tapis rouge lors de la montée des marches de Tom Cruise !

Une fois dans la salle, nous avons droit à une magnifique rétrospective des plus grands rôles de Tom Cruise. Puis il remercie chaleureusement le public, ses amis et collègues (Joseph Kosinski, Elle Fanning…). Mais le Festival avait prévu une deuxième surprise pour le grand Tom : UNE PALME D’OR D’HONNEUR !

Une belle surprise et de nombreux applaudissements. Quelques larmes.

 

Le film peut enfin commencer dans une ambiance électrique.

 

Top Gun : Maverick est un blockbuster à voir sur grand écran. C’est un film sensationnel et vertigineux. Du grand spectacle comme on voit rarement. Mais attention, il faut faire énormément de concession sur le scénario ultra simple, patriotique et nostalgique de son premier opus. Si on retrouve peut-être un peu la pâte de Joseph Kosinski, aucune trace de l’originalité de ses précédentes œuvres (Tron : L’Héritage, Oblivion…).

On en prend en tout cas plein la vue, avec l’impression de sortir d’une attraction plutôt que d’un film de cinéma, surtout lorsqu’un feu d’artifice lancé depuis la mer nous saute aux yeux en sortant du Grand Théâtre Lumière.

 

Cannes jour 3

Le Otto Montagne de Felix Van Groeningen et Charlotte Vandermeersch

Malgré une durée considérable (pour un scénario qui pourrait être résumé en un paragraphe), cette histoire d’amitié perdue et retrouvée a été une aventure réconfortante et relaxante. C’était vrai, pur, et absolument magnifique (des paysages à couper le souffle).

En sortant de la salle, les uns vendaient incessamment les mérites de ce film aux autres qui le trouvaient totalement soporifique et sans intérêt. Un film peut-être un peu trop contemplatif qui a tout de même le mérite de repartir avec le prix du Jury !

 

Tirailleurs de Mathieu Vadepied

Le film d’ouverture franco-sénégalais de la section Un Certain Regard produit et interprété par Omar Sy est ambitieux dans le sujet abordé (les tirailleurs sénégalais durant la Première Guerre mondiale). Pourtant, le film passe peut-être à côté de son sujet par manque d’un message original. Comme la plupart des réalisateurs de talent qui s’essayent à cet exercice complexe de raconter la Première Guerre mondiale, l’enjeu recherché est finalement survolé, ce qui finit par desservir le film qui a pourtant une noble intention, à la fois didactique et politique. En fin de compte, on a affaire à un long-métrage trop sage, trop consensuel duquel tous les ingrédients du grand film de guerre sont pourtant présents, mais à l’évidence pas assez exploités.

 

Hunt de Lee Jung-jae

On s’attendait à une belle pépite d’action du cinéma coréen. Finalement, un tout premier passage de Lee Jung Jae derrière la caméra qui ne fera certainement pas autant impression que ses rôles dans Deliver Us From Evil ou Squid Game. Car on ressort finalement avec un bon mal de crâne de cette superposition de scènes d’action sur un canevas narratif, pour le coup très décousu. Il y a certes quelques belles scènes d’action, mais le film devient très rapidement laborieux : ça tire partout, tout le temps. Ils ne s’arrêtent pas de tirer, de se battre, de détruire des voitures, des bâtiments… Et que l’histoire est confuse ! On ne comprend plus rien dès les cinq premières minutes. En plus c’est long (2h11), ça n’en finit pas.

 

Cannes jour 4

Armageddon time de James Gray

James Gray a versé quelques larmes à la fin de la première, ce qui veut tout dire : il s’est investi corps et âme dans ce film et cela se voit à l’écran. Il nous aura touché au plus profond de notre être… C’est un film si intime et vibrant de nostalgie, mais en même temps voilé par une profonde plaie et mélancolie (ce qui est plutôt rare dans ce genre de films sur l’enfance et coming out of age). D’un point de vue narratif, c’est peut-être très simple, prévisible et linéaire, mais c’est sa vie ! Pourquoi la changerait-il pour nous surprendre ? Et par-dessus tout, quel casting ! que cela soit du côté des enfants que des adultes, tout ce beau monde offre une partition des plus réussies (Anne Hathaway, Anthony Hopkins, Jeremy Strong,  Banks Repeta, Jaylin Webb).

 

Conférence de Presse Armageddon time

Le réalisateur James Gray et une partie de l’équipe du film : les acteurs Anne Hathaway, Jeremy Strong, Banks Repeta et Jaylin Webb ont répondu aux questions des journalistes.

Le réalisateur évoque d’abord son film, traitant du racisme et du privilège blanc dont il a bénéficier durant son enfance. Un film éminemment politique, James Gray se justifie : “Comment résoudre les problèmes d’inégalités et de classe sociale ?  En tant que réalisateur, on n’est pas censé donner une réponse au monde. Nous sommes ici pour illustrer, éclairer, poser des questions”. Il va même plus loin: “On est dans une situation épouvantable aujourd’hui regardez ça, il doit y avoir un autre système (…) C’est à nous artistes de montrer que l’on s’est trompés”. Il dérive aussi sur le cinéma d’aujourd’hui et les franchises : “Le tout est d’inspirer la créativité, un monde qui créerait de plus en plus d’artistes. (…) Au lieu de ça, on enseigne comment faire des franchises. Avant, quand on parlait de franchises, c’était à propos de McDonald’s et de Burger King. Maintenant on parle de franchises pour le cinéma. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Comment en est-on arrivé là ?”

 

Anne Hathaway évoque aussi, très émue, son rôle de mère juive : “C’était un honneur. Mon mari est juif on a beaucoup parlé du sens de ce film. Ma belle-mère, qui est décédée récemment, était une mère juive superbe. Je lui en suis très reconnaissante. Il y a tant d’amour. J’ai du mal à trouver les mots. J’étais ravie d’avoir l’occasion de camper ce personnage”.

La conférence de presse disponible en intégralité : https://youtu.be/7kxIW7MLe6Q

 

EO de Jerzy Skolimowski

Imaginez Gaspar Noé réalisant un film sur un âne et que vous y ajoutiez Isabelle Huppert : eh bien voilà, ça vous donne EO. Une très belle expérience de cinéma… alors que c’est un film sur un âne ! Il repart même avec le prix du Jury (ex aequo avec Le Otto Montagne).

 

Trois mille ans à t’attendre (Three Thousand Years of Longing) de George Miller

Sans doute l’une des œuvres les plus attendues du Festival. Et pour cause, c’est une grande œuvre visuellement fascinante, ce n’est d’ailleurs pas une surprise étant donné le réalisateur (George Miller, réalisateur entre autre de Mad Max). Tilda Swinton nous offre comme toujours une performance exceptionnelle de singularité et Idris Elba est parfait dans son rôle de djinn (une sorte de génie). Les applaudissements soutenus au début du générique, entrelacés avec le thème musical original, donnent des frissons avant que l’intrigue ne se mette en place. Le film est chapitré et chaque histoire est une allégorie de quelque chose de plus grand : le but final étant de donner un sens à ce qu’est l’amour. Dans l’ensemble, le film reste une superbe expérience de cinéma, surtout en assistant  à la première mondiale à Cannes. Mais le film est peut-être trop narratif, et manque assurément d’un petit quelque chose car personne n’en ressort pleinement satisfait.

 

Cannes jour 5

Corsage de Marie Kreutzer

Un très beau film contemplatif sur la vie de la reine Élisabeth d’Autriche (Sissi). Nouant grande et petite Histoire sur un rythme presque romanesque, avec une superbe musique et visuellement d’une grande maîtrise, le film est taillé pour Cannes. Les costumes et décors participent harmonieusement à ce projet. Il manque néanmoins peut-être un peu d’excentricité et de frivolité, mais cela n’empêche pas de passer un très bon moment (il faut s’accrocher au niveau du rythme tout de même). L’actrice Vicky Krieps est parfaite et repart avec le prix d’interprétation.

 

Conférence de Presse Trois mille ans à t’attendre (Three Thousand Years of Longing)

Le réalisateur australien George Miller a répondu aux questions des journalistes avec une partie de l’équipe du film : l’éditrice Margaret Sixel, la co-écrivaine Augusta Gore, le producteur Doug Mitchell et les acteurs Idris Elba et Tilda Swinton.

Le réalisateur évoque avec son producteur la genèse du film. Il connaissait l’histoire depuis longtemps et en saisissait tout le potentiel. Il souhaitait faire un petit film (comparé à Mad Max). S’ensuit une série de questions posées à l’équipe sur le rôle majeur de la narration dans ce film et sa portée allégorique, à laquelle le réalisateur répond : “La plupart des histoires que nous racontons sont allégoriques. Elles sont ouvertes à l’interprétation, en fonction de la personne qui les regarde. Les histoires fantastiques se prêtent à traiter de choses beaucoup plus complexes que, par exemple, un documentaire.”. Tilda Swinton rebondit notamment sur cette remarque en soulignant la pertinence de ce conte aujourd’hui, expliquant : « Ce qui est dangereux, c’est quand on n’a qu’une seule histoire. C’est lorsque les gens ne peuvent pas entendre d’autres histoires que les choses se dégradent très vite. Il s’agit de maintenir les oreilles des gens ouvertes, curieuses. Il est très pertinent de faire ce film en abordant une variété d’angles, même le débat sur l’implication ou non de forces surnaturelles. C’est ce sentiment de garder nos oreilles et nos cœurs ouverts qui est vraiment important. »

 

La conférence de presse disponible en intégralité : https://youtu.be/ZGQChtIpjn8

 

War Pony de Riley Keough et Gina Gammell

Sans doute l’une des plus grandes surprises de la sélection Un Certain Regard. Un fantastique premier long métrage de la petite-fille d’Elvis et star montante d’Hollywood, Riley Keough. L’atmosphère rappelle grandement la série Réservation Dogs de Taika Waititi. C’est à la fois émouvant, étrange, amusant, excentrique et unique. Les personnages sont très attachants, menés à travers des événements colorés et surprenants.

 

Triangle of Sadness de Ruben Östlund

2 300 personnes qui rient pendant 2h30 : voilà comment on pourrait résumer cette projection haute en couleurs. Le public commence à applaudir avant même que le générique ne commence et cinq ou six fois pendant le film, tout le monde a applaudi des scènes qui étaient tout simplement exquises de justesse et d’absurdité. Une belle leçon de cinéma du maître suédois de la satire, Ruben Östlund. Cela reste pourtant un film qui va diviser : c’est 3 films en un avec énormément d’idées cinématographiques, humoristiques, et scénaristiques follement audacieuses (peut-être trop ?). Beaucoup de gens sont restés choqués par la scène du dîner dans la deuxième partie (5 minutes de vomis…) Les fans d’Ostlund comprendront peut-être sa vision de la société (pourquoi se priver de continuer à rire en pleine face de cette caste dont il fait si justement la satire), les autres fermeront les yeux.

Ruben arrive en tout cas à élaborer une galerie de personnages plus fous et détestables les uns que les autres, où l’on ne saurait choisir son préféré tant ils sont chacun d’une complexité si complémentaires. Le réalisateur remporte ici sa deuxième palme d’or, 5 ans après celle qu’il avait obtenue en 2017 pour sa faramineuse satire de l’art contemporain The Square.

 

Fumer fait tousser de Quentin Dupieux

Une ambiance de stade de football dans le Grand Théâtre Lumière pour accueillir un casting français prestigieux : Alain Chabat, Adèle Exarchopoulos, Gilles Lellouche, Blanche Gardin, Vincent Lacoste, Anaïs Demoustier, Jean-Pascal Zadi, Jérôme Niel, Oulaya Amamra, Grégoire Ludig, David Marsais. La standing ovation la plus longue avant un film d’après le délégué général.

Le film qui suit est quant à lui une bien belle arnaque. Certes, on rit de ces scènes absurdes vaguement originales. Mais ça reste 1h20 de sketchs décousus qui ne tient que par son casting 5 étoiles. On s’est bien fait avoir pour notre dernière séance du Festival.

 

 

 

Gaétan Chenus, Hana Berrah & Antoine Massip

 

 

 

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