Giallo : Quand l’érotisme rencontre un suspense sanglant

Le cinéma italien des années 1960 à 1980 a engendré un genre unique et audacieux : le Giallo. À la croisée du policier, de l’horreur et de l’érotisme, le Giallo a laissé une empreinte indélébile pendant l’âge d’or du cinéma italien. Des scènes de meurtres excessivement sanglantes, des tueurs aux gants noirs et des femmes dont la peau nue devient le théâtre de tragédies, sont les éléments caractéristiques de ce genre captivant. Plongeons ainsi dans cet univers si singulier.

Tout commence dans les années 1920, non pas à l’écran, mais au sein d’une collection littéraire italienne, chez Mondadori, intitulée Libri Gialli. Reconnaissable à sa couverture jaune, cette collection a marqué le paysage éditorial italien, associant le terme « Giallo » au roman policier. Avec des détectives aux enquêtes complexes, ces histoires ont rapidement conquis le public, avant même des auteurs étrangers tels qu’Agatha Christie.
Ce sont quelques décennies plus tard, dans les années 60, que le genre connaîtra un renouveau sur grand écran. Son premier représentant : Mario Bava. Déjà reconnu pour ses films d’horreur gothique, il est l’un des pionniers à explorer le genre au cinéma. En 1963, il réalise La Fille qui en savait trop, faisant directement référence au classique d’Hitchcock, L’Homme qui en savait trop (1956). L’intrigue suit une jeune femme en vacances à Rome, devenue témoin d’un meurtre brutal à l’arme blanche, poursuivie par un mystérieux assassin.

Les éléments fondamentaux du Giallo commencent à prendre forme, mais c’est avec son film, Six Femmes pour l’assassin (1964), que l’esthétique visuelle distinctive du genre émerge pleinement. L’utilisation de la couleur, en particulier le rouge, symbolisant la pulsion sexuelle et le noir la pulsion de mort, devient un élément clé. Bava va au-delà des limites conventionnelles, influençant tous les aspects du cinéma, de la lumière aux cadrages, créant
une proposition visuelle et sonore plongeant le spectateur dans une expérience quasi expérimentale.

Aussi, jusqu’au milieu des années 1970, le Giallo connaît une période prolifique, produisant près d’une dizaine de films par an. Des réalisateurs tels que Romolo Guerrieri, Luciano Ercoli et Umberto Lenzi contribueront à cette vague créative. Néanmoins, c’est Dario Argento, disciple de Bava, qui amplifiera cette révolution. Sa trilogie légendaire – L’Oiseau au plumage de cristal (1970), Le Chat à neuf queues (1971), et Quatre mouches de velours gris (1971) – redéfinit le Giallo. Argento hisse le genre à des sommets avec des mises en scène très graphiques, une exploration de la psyché humaine, le tout enveloppé dans une bande sonore à la fois onirique et perverse, élaborée par Ennio Morricone. Le Giallo n’est pas simplement un genre, c’est une expérience cinématographique immersive où le
mystère se mêle à l’érotisme, où chaque scène est une invitation à l’inconnu. Il reste important de souligner que le côté érotique du Giallo ne se limite pas exclusivement à du divertissement lubrique et sanglant. Dans cette danse complexe entre la violence et la sexualité, le Giallo défie les normes avec une sensualité provocante, faisant de chaque intrigue une exploration captivante des désirs interdits.

Le point culminant du Giallo survient alors en 1977 avec Suspiria. Le film se révèle d’une certaine perfection esthétique. Des lumières hypnotiques, des cadrages impeccables et un montage minutieux créent une atmosphère fascinante voire, terrifiante. Également soutenu par une bande son géniale, façonnée par le groupe Goblin, qui nous livre ici des séquences musicales psychédéliques pleines de prémonition angoissante.

Mais la fin des années 1970 marque le déclin du genre. Argento commence à se répéter, et les films perdent en vigueur. Néanmoins, près de quarante ans plus tard, quelques cinéastes tels que Nicolas Winding Refn avec Only God Forgives (2013) témoignent de cette influence persistante. Ces films revisitent la grande fantasmagorie visuelle du genre, renouant avec cette tradition cinématographique.

Ainsi, même si le Giallo semble avoir trouvé sa conclusion dans les années 1970, son influence persiste comme une ombre intrigante dans l’histoire du cinéma. Une conclusion qui n’est pas une fin, mais plutôt le prologue d’une possible résurgence, où le Giallo pourrait à nouveau envoûter les amateurs de cinéma.

Diego Miranda

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