Synopsis :
Le film relate l’univers sombre et pourtant fascinant des Cercles de jeux, où l’on se confronte à toutes sortes de personnes, qu’elles soient addicts, curieuses, ou businessmen pragmatiques. Dans un Paris méconnaissable, mais pourtant si familier, évolue Ella, qui semble prise d’un désintérêt profond pour sa vie toute tracée. Tout bascule lorsqu’elle rencontre Abel, un mystérieux commis qui semble prendre la vie comme un perpétuel jeu. Il l’entraîne à la rencontre de ce monde parallèle dont il connaît les vices et les vertus. Tous deux se tirent vers le bas, dévorés par leur passion et s’enfoncent profondément dans leur addiction.
Point de vue de la réalisatrice :
Marie Monge, après avoir pour la première fois franchi les portes d’un Cercle de jeux, a voulu faire un film sur ce milieu qui est peu connu et fascinant, mais surtout les personnes qui s’y retrouvent et qui évoluent dans cet univers : « il y a ceux qui viennent après avoir fait la fête, les commerçants du quartier, les habitués, des touristes, des gens qui tuent l’ennui, des vrais drogués… » Il s’agit de dépeindre l’addiction, autant celle qu’Ella porte à Abel, que l’addiction de ce dernier au jeu sous toutes ses formes. La volonté était d’inverser les rôles typiques prescrit dans le genre du film noir, tout en s’inspirant du sous-genre des « amants maudits » tels que « Sailor et Lula » de Lynch. Les personnages ainsi créés recherchent l’accomplissement et la réinvention à travers l’autre et leur amour, mais ce qui était au départ un objectif commun devient la raison de leur perte. D’autre part, l’enjeu était de montrer une image fidèle de l’univers des cercles, en filmant Paris de manière presque documentaire, mais en recréant les salles de jeux, puisque presque tous les cercles de Paris ont fermé.
Point de vue d’EN :
Bien que basé sur l’univers des Cercles de jeux, le scénario tourne principalement autour d’une histoire d’amour dévorante et destructrice relativement simpliste mais avec personnages bien campés, qui partagent une bonne alchimie. Le reste du scénario tombe dans le déjà vu, un peu cousu de fil blanc et c’est dommage car le début est très accrocheur et la tension est présente.
Cependant, à de nombreuses reprises, c’est la forme qui sert le fond et le rend plus entier, et plus appréciable. Notamment, l’environnement parisien incroyablement bien retranscrit, avec une vision presque documentaire des Cercles de jeux : c’est l’effort de coller à la réalité donne une dimension supplémentaire au film. Ensuite, les gros plans omniprésents et la décision de tourner la majorité du film en shaky cam rajoutent à l’impression d’intrusion, d’immersion et d’enfermement qui transparait de l’addiction des deux personnages. D’un autre côté cette technique, ainsi que des cuts rapides pendant des jeux de regards, traduisent l’intimité et la complicité qui se crée rapidement et de manière presque suffocante. Ainsi on retrouve bien, dans la manière de filmer les acteurs, le schéma classique de l’addiction, et le schéma classique d’une relation amoureuse qui commence.
D’autre part, il y a un réel intérêt à remarquer que les évolutions des personnages sont visibles partout autre que dans leur manière d’agir. Lors du climax du film, le monde souterrain nous est présenté à travers les personnages à l’aide d’un plan séquence qui transforme la salle en quelque chose de grandiose et féérique, avec des lumières pleines et chaudes. Plus tard, on revient aux gros plans avec des lumières néon agressives ou des lumières tamisées et une grande partie d’ombre (notamment sur les visages), et les décors et costumes de plus en plus ternes (Abel est souvent une des seules taches de couleur dans le décor). On peut remarquer d’autres changements de lumières et costumes en accord avec la direction des personnages tout au long du film.
Enfin, la BO est très bien faite, souvent très raccord avec l’image, et appui sur les moments clés, pour les rendre encore plus marquant. Notamment la scène d’introduction au Cercle qui détonne par sa musique et se rapproche de films américains actuels, mais qui fonctionne extrêmement bien avec le sujet et la façon de filmer. Ensuite, le score en général était très au point, par exemple lors d’une scène de poursuite, la musique est tombée comme une sentence au moment où le pare-brise s’est brisé. Ceci montre une bonne maîtrise de la forme en général, ce qui contrebalance la faiblesse relative du fond.