N’avez-vous jamais rêvé de vivre comme dans les films ? De vivre des histoires extraordinaires, riches en émotions, en sensations et en significations ? Mais le monde ordinaire qui nous entoure nous éloigne de tout ça, me direz-vous. Détrompez-vous ! La vie, à la fois bien ordinaire et complètement extraordinaire, d’Amelie Poulain prouve le contraire. Un regard poétique, une grande sensibilité et une folle imagination révèle que le monde quotidien est fabuleux.

Quand la vie et le cinéma s’entremêlent pour Amélie…

Mise à l’écart de ses camarades étant enfant, Amelie s’amuse avec des amis imaginaires. Sa vie est alors pleine de merveilles. Les mondes dits « ordinaires » et ceux du cinéma se mêlent. On suit une enquête policière autour d’un homme se photographiant dans les photomatons avant de déchirer ses photos. On est plongé dans un film fantastique voire de zombie lorsqu’Amelie vole un nain de jardin chez son père. On est pris dans une romance à partir du moment où Amelie tombe amoureuse d’un homme. Par ailleurs, les personnages des films passant à la télé s’adressent directement à Amelie.

… pour ceux qui l’entourent…

Ayant de l’amour pour tous ceux qui l’entoure ou qu’elle croise, Amelie cherche à rendre le quotidien de chacun extraordinaire. Elle réalise avec minutie, et toujours secrètement, des petites actions mais dont les résultats sont intenses émotionnellement. Ce sont des actions qui changent une vie. Elle réalise de véritables miracles. Elle ressuscite le passé en rendant sa boîte de jouets d’enfance à un parfait inconnu, ressuscite les morts en inventant des lettres, rend amoureuse deux personnes se détestant ou encore rend la vue à un aveugle grâce à l’imagination et en établissant des correspondances entre récits, odeurs, son et images. Là encore, des liens évidents sont faits entre des grandes œuvres d’art et les actions quotidiennes d’Amelie. La boîte de jouet rappelle la madeleine de Proust. La vie d’un être décédé à travers les lettres rappelle la promesse de l’aube de Romain Gary. La mise en couple par un tiers rappel le mythe de Cupidon. La capacité à faire voir par le récit et en liant étroitement les 5 sens rappelle le prodigieux poème « Correspondances » de l’indétrônable Charles Baudelaire (l’un des premiers artistes à lier le prosaïque et l’idéal). Enfin, il semble que la magie impulsée par Amelie soit reprise par d’autres personnages au cours de l’histoire. Je pense en particulier, à l’épicier transformant les briques de lait en légumes chez ses clients, dans une scène comique très réussie.

… et pour le spectateur…

Il y a aussi une magie dans la réalisation du film. Jean Pierre Jeunet, « présent partout et visible nulle part » (Flaubert) dans son œuvre, à la manière de son personnage, a le don de sublimer le monde prosaïque par son imagination et sa grande sensibilité et de faire vibrer les spectateurs. Lorsqu’Amelie explique en voix-

off qu’un élément extraordinaire et inattendu a fait irruption dans son quotidien, la mort de Lady Diana est annoncée à la télé. Mais ça n’est pas de cet évènement dont elle parle. En laissant tomber une perle par terre, elle découvre la boîte de jouets d’enfance cachée d’un inconnu. L’ambiance fantastique du vol de nain, se joue à travers une bande son un peu caricaturale qui donne à voir parfaitement le sentiment d’Amelie et la distance à prendre vis-à-vis de ce sentiment. « Ça n’est rien de plus que le sentiment d’Amelie » nous murmure la musique. L’étalonnage verdâtre joue aussi un rôle dans la réalisation de cet effet subtil. La scène d’invention des lettres est aussi réalisée à la perfection. La scène est en accélérée mais l’ouverture prolongée de l’objectif et la musique font que l’action en accélérée n’a pas l’air mécanique et précipitée mais bien plutôt appliquée et intense. On voit la passion d’Amelie pour cette activité durant laquelle les heures semblent être des secondes. Tous les personnages, aussi ordinaires qu’atypiques et attachants, sont interprétés magnifiquement par Audrey Tautou, Mathieu Kassovitz, Isabelle Nanty, Yolande Moreau et Jamel Debouze.

…sur les notes de piano les plus iconiques du cinéma français…

Il serait impossible de parler de tous les éléments splendides du film. Mais il est aussi impossible de ne pas parler d’un de ses éléments : sa bande originale. Cette dernière est très certainement l’une des plus connue, iconique et somptueuse du cinéma français. Yann Tiersen a su créer l’ambiance parfaite pour le film, liant mélancolie, délicatesse, émotions vives, légèreté et profondeur. Plus encore, je ne sais trop comment, mais Yann Tiersen a réussi à faire sonner Montmartre dans cette musique que beaucoup de touristes identifient aujourd’hui à la ville même de Paris.

…Amelie Poulain réalise son fabuleux destin…

Après toutes les actions faîtes pour illuminer le quotidien des autres, Amelie s’occupe de sa vie à elle, même si cela la terrorise. Cela se fait grâce au discours d’un peintre sur son tableau, permettant de façon détournée de parler d’Amelie. Il s’agit de vivre une histoire d’amour. La rencontre des deux amoureux fait fusionner à merveille l’ordinaire et l’extraordinaire, le hasard et le destin. La première fois que l’on regarde le film, on est du côté d’Amelie et on se souvient d’un seul et unique coup de foudre. Mais lorsque l’on revoit le film, on s’aperçoit qu’il y a plusieurs coups de foudre consécutifs, d’abord de l’un puis de l’autre. On suit ensuite l’histoire d’amour dans laquelle Amelie, comme à son habitude, agit de façon merveilleuse (mise en place de parcours dans Montmartre, rendez-vous donné via des photos exposées dans la gare de métro…) mais dans l’ombre. Elle attire donc bien l’homme qu’elle aime mais, par grande timidité et émotivité, elle n’ose pas entrer en contact avec lui. Elle préfère être au plus près de lui sans qu’il ne la voit, comme le montre notamment la scène célèbre de l’attente de Mathieu Kassovitz au café. Puis dans une scène magnifique et émouvante, elle rêve qu’il la rejoint avant de constater avec grande tristesse qu’il n’est pas là. Elle regarde par la fenêtre. L’homme qui l’attendait à un énième rendez-vous et qu’elle surveillait secrètement, a disparu. Pensant qu’il s’est éloigné, elle court à la porte pour le rattraper. Elle tombe nez à nez avec lui. Sans un mot, ils se comprennent et s’embrassent.

La musique se réveille avec eux quelques instants plus tard et réveille la joie et la magie de notre monde. J’espère que ce film sublime du début à la fin, à travers toutes ses dimensions et tous ses éléments, aura réveillé en vous (ou réveillera en vous) la magie de notre monde.

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