Masculinité exacerbée, misogynie, glorification de l’homme artiste, sexisme ordinaire… Tous ces maux sont le point de départ de la majorité de comportements déplacés dans le milieu culturel, notamment dans le cinéma, mais aussi dans toute la société en général. Messieurs, arrêtez de penser avec vos bites !
Depuis toujours, les femmes souffrent d’un manque de considération et de représentation dans le milieu du cinéma. Un milieu qui reste encore très inégalitaire malgré la vague #Metoo.
« Quand j’ai commencé mon métier [à la fin des années 1960], il n’y avait pas de femmes. Il y avait la femme qui jouait ma mère, il y avait la maquilleuse et des fois et il y avait la script. Au moment où les techniciennes sont arrivés sur les plateaux, tout d’un coup il y a eu un moral qui était tellement meilleur, parce que ces pauvres garçons étaient tout seul, sans leurs familles, sans leurs enfants, à vivre comme une sorte de camp de colonie d’hommes un peu macho et c’était pénible pour eux aussi. C’est une nouvelle qui a changé un peu le cinéma.
Puis des productrices et des cheffes de studios sont arrivées et pourtant rien n’a changé pour les metteuses en scène. Il n’y avait presque pas de metteur en scène femme au cinéma, sauf dans des petits films. […] Je ne comprenais pas pourquoi c’était un chemin inachevé. Les chefs de studios étaient des femmes et pourtant elles n’engageaient pas de femmes. Le problème c’est qu’on pensait que les femmes c’était des risques. En prenant une femme pour un rôle important sur le plateau, ça allait être un risque que l’on pouvait pas prendre.
Ça a changé ces 10 dernières années mais il y a eu ce blocage. Et la parité salariale n’est toujours pas réglée »
Jodie Foster, actrice, réalisatrice et productrice américaine, en 2021.
On pourrait facilement se tromper en racontant qu’il faut plus de femmes dans le cinéma parce qu’elles sont plus créatives, plus engagées, plus talentueuses… Mais en fait non, elles sont capables autant que les hommes de faire de beaux films (Une Leçon de piano de Jane Campion), sordides (Titane de Julia Ducournau) ou touchants (Nomadland de Chloé Zhao). Elles sont même capables de faire des films de guerre avec des hommes (Démineursde Kathryn Bigelow). Certes, elles sont sûrement capables d’apporter un autre regard sur le cinéma et la société, mais en réalité, elles sont tout aussi talentueuses. Les hommes savent faire des films. Surprise, les femmes aussi !
Il ne s’agit donc pas de faire respecter des quotas, ni de féminisme d’ailleurs, il s’agit avant tout de respect, de justice et de talent. Une femme, peu importe son savoir-faire, aura toujours moins d’opportunités qu’un homme : d’après le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), 80% des films français réalisés entre 2011 et 2015 l’ont été par un homme, le budget moyen d’un film réalisé par une femme est en moyenne 1.6 fois inférieur et son salaire est presque 2 fois moins élevé. Ce constat alarmant est d’autant plus injuste que la parité est souvent atteinte dans les écoles de cinéma. Il y a donc bien des femmes talentueuses et ambitieuses, mais qui ne parviennent pas à se faire entendre.
Les choses commencent à changer petit à petit : au sein de l’académie des Césars, la direction est devenue plus paritaire, le CNC a aussi pris des dispositions depuis le début de l’année en mettant en place des formations obligatoires, à destination des professionnels du cinéma et pour lutter contre le harcèlement sexuel, afin de bénéficier des aides de l’institution. Malgré tout, le sexisme règne encore et toujours, comme une sorte de normalité déplacée. En vérité, le cinéma reflète son époque et toutes les organisations : malgré #Metoo, le sexisme persiste et les choses changent lentement.
Aujourd’hui, il y a un certain consensus à demander aux cérémonies et festivals de cinéma en tout genre de soutenir ce combat et oser transgresser la norme : on en a marre des biopics d’hommes réalisés par des hommes (surtout lorsqu’ils sont accusés d’agressions sexuelles) !
Néanmoins, ne balayons surtout pas tous les mâles blancs du cinéma, au contraire ! On pleure devant Ozon et on rêve devant Dupontel. Ne stigmatisons pas un genre pour en mettre un autre en avant, il faut soutenir la parité et l’égalité des chances. En somme, ne mettons plus les réalisateurs-trices dans des cases et faisons confiance. « Depuis près de 10 ans est apparue une nouvelle génération de réalisatrices d’une très grande créativité, souligne Frédérique Bredin, présidente du CNC. Leur talent, leur audace, ont donné un souffle nouveau au cinéma français avec, aujourd’hui, des premiers films reconnus dans le monde entier, comme Mustang ou Divines. »
Alors rangez vos idées de biopics et vos comédies minables. Faites des films pour faire avancer le monde, pour l’Histoire, pas pour les tickets qu’on jettera en sortant de la salle. On veut rêver, apprendre, réfléchir, se prendre des gifles, se faire mal. Et si les institutions de financement classique sont réticentes, peut-être que les plateformes vous ouvriront leurs portes, à croire qu’elles sont plus audacieuses. N’ayez pas peur de provoquer, d’amener du débat, de déplaire. Bon nombre de films ont choqué à leur sortie avant de devenir des incontournables (Les Accusés, Fight Club, et plus récemment Titane !)
Le cinéma est un combat contre les normes.
Sinon, autant faire autre chose.
Vive le cinéma !
Gaétan Chenus
Sources :
https://www.youtube.com/watch?v=gC8MJfgb-8o&t=1223s&ab_channel=FestivaldeCannes%28Officiel%29
https://leffervescent.fr/2021/02/10/la-place-des-femmes-dans-le-cinema-une-evolution-au-ralenti/