Ce mois-ci, Extérieur Nuit a eu la chance de participer à la 30ème édition du Festival International du Film d’Histoire de Pessac du 18 au 25 novembre grâce au cinéma Jean-Eustache. Face à une sélection des plus sublimes et passionnantes, nous avons décidé de chacun vous partager nos coups de coeur du Festival.

Compétition Fiction : 

Sympathie pour le Diable – Guillaume de Fontenay – par Bastien Echard

Sympathie pour le diable est littéralement mon coup de coeur de l’année 2019. Ce film est l’adaptation du livre éponyme dans lequel Paul Marchand, reporter de guerre, relate sa vie durant le siège de Sarajevo en 1992. 

Le film est grandiose. D’une intensité dramaturgique rare, il suit un rythme effréné au coeur d’une guerre sanglante et totalement déséquilibrée dans laquelle aucun personnage n’est jamais réellement à l’abri. En traitant cette période de guerre du point de vue des journalistes, le film se détache totalement des autres films du genre et offre un récit poignant dans lequel le spectateur est immergé dans une course pour survivre. Les kalachnikovs et les tanks sont remplacés par des micros et des caméras, et les balles par les voix des reporters qui résonnent comme des tirs pour informer la communauté internationale de la situation en Bosnie Herzégovine. Ce n’est pas pour autant que le film perd en action, bien au contraire, le réalisateur Guillaume de Fontenay réussi à nous immerger dans le désarroi d’une population anéantie errant dans une ville fantomatique, glacée par l’hiver et dans laquelle toutes les ressources manquent.   

Le personnage flamboyant et provocateur de Paul Marchand est porté par la performance parfaite d’un Niels Schneider charismatique. Il signe une prestation digne des plus grands acteurs. Son duo avec Ella Rumpf (également impeccable) marche à la perfection et leur relation offre au spectateur les quelques moments de répit du film… 

Sympathie pour le diable est donc mon film coup de poing et je vous le recommande. Les acteurs, le scénario et les images sont parfaites et l’histoire de Paul Marchand témoigne d’une guerre trop méconnue. Néanmoins, âme sensible s’abstenir, le film est marqué par plusieurs scènes pouvant heurter. 

Électrifiant, puissant, poignant… les qualificatifs pour décrire ce film ne manquent pas ! Personnellement, le film m’a asphyxié jusqu’au générique… mais quelle claque !

Sortie le 27 Novembre 2019

Mr. Jones – Agnieszka Holland – par Lucile Marjollet

Gareth Jones, jeune journaliste gallois, s’intéresse au soudain développement de l’URSS. Il découvre alors que toute l’économie soviétique est basée sur la famine qui règne en Ukraine.

En entrant dans la salle, je ne m’attendais pas à être autant happée par l’histoire. En effet, Gareth Jones nous fait véritablement vivre l’horreur de la situation mais aussi son combat pour prouver au monde la véracité de son histoire alors que personne ne le croit.

La réalisation montre de manière forte le décalage entre d’un côté la Grande-Bretagne et Moscou et de l’autre l’Ukraine grâce à un rythme bien différent. Là où un pays entier vit au ralenti et se fait peu à peu décimé par la faim, dans le reste du monde les événements s’enchaînent plus vite les uns que les autres et tous les excès sont permis. Les larges plans des villages fantômes que traverse Gareth Jones s’opposent aux scènes de soirées libertines ou bien de repas démesurés qu’il retrouve à son retour d’Ukraine.

Ce que j’ai préféré dans ce film est sans doute le fait que la réalisatrice ait décidé de ne pas prendre parti : elle ne justifie pas les actes soviétiques ni ne les condamne, elle veut simplement démystifier une réalité qui reste trop souvent obscure.

Sortie prochainement

 

Official Secrets – Gavin Hood – par Marouchka Alexandroff

2003, Katharine Gun, jeune trentenaire interprétée par Keira Knightley, travaille en tant qu’employée des renseignements britanniques. Un jour, celle-ci reçoit une note de la NSA : les États-Unis manigancent secrètement une stratégie afin de forcer l’invasion en Irak. Bouleversée par la découverte de ce mémo et les conséquences qu’il engendre, Katharine décide de divulguer sa découverte à la presse pour empêcher la guerre à tout prix. 

Official Secrets est un film haletant et criant de réalisme, j’ai tout de suite été plongée dans l’histoire en partie aussi grâce à la performance juste incroyable de Keira Knightley. Les archives utilisées dans le film remémorent la période avec justesse et donne ainsi un aspect documentaire au film. 

Mais plus que relater les faits, Gavin Hood questionne ici l’impératif de la moralité et notre liberté d’y obéir ou de s’en éloigner. Lors de sa découverte, Katharine est prise de vertiges devant la possibilité de choix qui s’offrent à elle : elle sait que si elle choisit de divulguer le mémo, les conséquences désastreuses sur sa vie, sa famille, seront sans retour possible en arrière mais d’un autre côté, peut-elle vraiment laisser éclater une guerre illégale en toute conscience ? Keira Knightley réussi ici à véhiculer cette angoisse comme saisissement de la conscience devant elle-même que nous connaissons tous.  

Gavin Hood met de plus en lumière l’absurdité de la justice et des politiciens qui résonnent ici à travers la tragédie de l’intervention en Irak de 2003. Faut-il toujours suivre la règle de droit ou choisir ce qui nous semble juste ? Katharine Gun a tout à perdre en s’éloignant des règles mais ne s’arrête pas, son audace en fait un personnage fort et attachant

En conclusion je vous recommande vivement d’aller voir ce film qui a d’ailleurs, sans grande surprise, remporté le prix du public au Festival

Sortie le 2 janvier 2020

Nuestra Madres – Cesar Diaz – par Mazarine Lagrée

Nuestras Madres est un film puissant, criant de vérité, rendu beau par la souffrance mélancolique dont les divers protagonistes sont emprunts. C’est un film rendu sublime par la mémoire de ces guatémaltèques et l’engagement du réalisateur César Diaz, qui reproche la politique répressive des dirigeants du Guatemala pendant la guerre civile qui secoua le pays durant la fin du XXème siècle. Cependant le film n’a pas pour visée de faire l’apologie de crimes contre l’humanité et c’est ce qui en fait un film appréciable, il ne dénonce pas mais donne à voir. En effet cette lutte pour la vérité prend la forme d’un récit initiatique d’un jeune homme, Ernesto, qui cherche à réécrire à la fois son histoire mais aussi celle de son pays

Le film prend place en 2018, lorsque que le gouvernement guatémaltèque commence à évoquer sa responsabilité dans les crimes perpétrés durant la guerre civile, cela prend la forme d’un gigantesque procès ultra-médiatisé dans lequel les proches des victimes viennent témoigner. Cette initiative du gouvernement s’accompagne d’une tentative d’identification des victimes dans les fosses communes, le jeune Ernesto est alors employé dans ce service d’identification. Un jour, une femme vient à la rencontre de ce jeune homme pour lui demander de déterrer son mari qui repose dans une fosse commune non loin de chez elle. Cependant, sur l’une des photos qu’elle lui montre, le jeune croit reconnaître son père, guérillero également tué pour ses idées durant cette guerre

Cette quête identitaire est rythmée par de multiples obstacles qui freinent la révélation finale, mais également par la souffrance de la mémoire des êtres perdus, la violence éprouvée et le combat de ceux qui restent pour rétablir une certaine justice. Une chose perdure dans le film, et c’est ce qu’il reste lors tout s’écroule, c’est l’amour, l’amour d’une mère et de son fils qui rayonne tout au long de cette oeuvre. En somme, je recommande fortement ce film pour son lyrisme, sa sincérité mais également pour ce portrait familial qui dépeint la complexité de l’être et de l’histoire. 


Sortie le 8 avril 2020

Jojo Rabbit – Taika Waititi – par Inès Barbier

Nous avons tous étudié dans nos livres d’histoire la Seconde Guerre mondiale et les horreurs orchestrées par le régime nazi à cette sombre époque

Cependant, on nous a rarement parlé de ses millions d’enfants allemands embrigadés dans les jeunesses hitlériennes, formés pour être des bons soldats dévoués au Führer et destinés à finir en chair à canon. Ces vies volées et ces enfances dépouillées, Taika Waititi en a fait le thème majeur de son film avec l’histoire de Jojo, petit garçon allemand sous le régime nazi durant la Seconde Guerre mondiale. 

C’était un pari risqué de réaliser un film sur l’Allemagne nazie avec en prime un enfant fanatique comme personnage principal. Défi relevé cependant haut la main et qui inscrit Jojo Rabbit dans la lignée du Dictateur de Chaplin (1940) et La vie est belle de Roberto Benigni (1997). Le secret de cette réussite : un ton décalé et provocant mais toujours juste. 

D’ailleurs, Taika Waititi n’a pas hésité une seconde à enfiler lui-même l’uniforme nazi et à se coller une moustache pour incarner dans son propre film l’ami imaginaire de Jojo, qui n’est autre qu’une copie loufoque du véritable Adolf Hitler. Fou rire garanti

Finalement, on comprend aisément pourquoi Jojo Rabbit a été primé meilleur film au Festival du Film de Toronto en septembre dernier. Certains lui prédisent même des Oscars prochainement…

Sortie  le 29 janvier 2020.

Documentaire hors compétition : 

Histoire d’un regard – Mariana Otero – par Eva Pons

Gilles Caron est un photographe reporter reconnu dans les années 50/60. “Histoire d’un regard” est un documentaire touchant qui met en scène une des filles du photographe dans un témoignage poignant. Son père mort très jeune lors d’un de ses voyages au Vietnam, elle va essayer de découvrir et surtout retrouver sa figure paternelle à travers l’observation de sa galerie de photos historiques. Et c’est l’occasion pour nous, spectateurs, de voyager à travers l’histoire : photographie de Cohn-Bendit en mai 68, début de la guerre civile en Irlande, révoltes au Tchad et guerre du Vietnam, on épluche les misères du monde sous le regard de Gilles Caron. 

Véritable coup de coeur du festival pour moi, ce documentaire permet de comprendre la réalité du travail de photographe reporter et de suivre l’histoire émouvante d’un artiste parti trop tôt. 

Sortie janvier 2020.

Bastien Echard, Lucile Marjollet, Marouchka Alexandroff, Mazarine Lagrée, Inès Barbier & Eva Pons