Dans « Killers of the Flower Moon », Martin Scorsese décide de nous plonger dans une grande fresque de l’Ouest américain, celle de la lente agonie de la tribu Osage devenue riche grâce à la découverte de l’or noir.

Si le film prend des allures d’affrontement civilisationnel entre l’expansion inéluctable de l’homme blanc et le désarroi des Indiens victimes malgré eux de leur richesse nouvelle et de la corruption qu’elle engendre, c’est bien l’individualité qui règne en maître sur cette société. Ces individualités sont exaltées par des acteurs de génie, entre autres DiCaprio dans le rôle d’un benêt manipulé par tous, De Niro en grand propriétaire avide et rigoureux ou encore Lily Gladstone en Osage fière et prudente, mais qui ne peut rivaliser avec la ruse des Américains.

Le film s’ancre aussi dans un cadre qui fourmille de détails historiques d’une société qui évolue sans cesse, laissant sur la sellette ceux qui n’ont pas su s’adapter : la croissance économique des Roarings Twenties qui corrompt les mœurs et cela malgré la prohibition, le non-interventionnisme de Washington et du président Coolidge, l’hypocrisie latente des institutions traditionnelles qui sont sclérosées, le conseil des Osage qui reçoit et encense le même homme responsable de leur chute, et l’église catholique du village où se rassemblent les francs-maçons et les superstitieux en communion factice.

Le cadre posé, Scorsese peut alors dérouler sa messe de requiem pour la tribu Osage, une longue agonie (qui n’est pas sans évoquer la durée du film : 3h30, funeste pour certains spectateurs…) ponctuée de grands coups d’éclat, d’explosions, de meurtres et de trahisons. La dimension esthétique des rituels folkloriques des Osages ou des paysages de l’Oklahoma est très réussie et alterne entre le chatoyant et le terne. On retiendra la scène de l’incendie de la propriété de De Niro avec des jeux d’ombres exceptionnels. Le grotesque de certaines situations liées aux assassinats qui sont mis en scène de manière cynique et presque comique, contraste avec le rythme étouffant du film.

Le film se dirige donc lentement mais sûrement vers une issue inéluctable, où toute la mascarade finit par se dévoiler, sans surprise pour la plupart des protagonistes habitués et las des faux semblants, face à une tribu Osage exsangue.

Le résultat est un très long métrage qui pèche parfois par son rythme et son manque de folie artistique, mais qui reste dans son ensemble cohérent, de bonne facture. Son ambition n’aura pas été démesurée et son style est résolument celui d’un Scorsese qui est passé maître dans l’art de la narration, folklorique presque anecdotique, mais passionnante comme le révèle la mise en abyme de la scène finale du spectacle radiophonique.

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