LUCILE MARJOLLET

L’année avait pourtant bien commencé. Première décision : prendre une carte UGC illimitée. Deuxième décision : multiplier les plateformes, ne pas se limiter à Netflix mais également se pencher sur Canal, Mubi et même Salto. L’une a malheureusement été plus utile que l’autre.

Mes premiers films de 2020 ont été Jojo Rabbit de Taika Waititi et L’ombre de Staline de Agnieszka Holland que j’ai eu la chance de voir en avant-première lors de la 31e édition du Festival international du film d’histoire au Jean-Eustache. Le premier film, sur un ton totalement loufoque, m’a fait rire autant que pleurer, tandis que le deuxième, bien plus sérieux et solennel, m’a époustouflé. Ils m’ont tous les deux fait revivre des moments historiques, souvent laissés pour compte malgré leur impact évident sur le monde. Pour continuer sur cette lancée historique, j’ai découvert 1917 de Sam Mendes. Il relève haut la main le défi technique du plan séquence pour nous faire assister à une véritable chorégraphie.

Suite au premier confinement, les cinémas ont rouvert pour l’été avec une programmation douce-amère. Se sont alors enchaînés Été 85 de François Ozon, Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait de d’Emmanuel Mouret, The King of Staten Island de Judd Apatow, Adieu les cons d’Albert Dupontel ou encore Drunk de Thomas Vinterberg. Mais l’été a surtout été marqué par la sortie du blockbuster tant attendu de Christopher Nolan : Tenet, annoncé comme une véritable salvation pour le monde du cinéma.

Cette année s’est terminée avec la fermeture prolongée de nos chères salles sombres pour nous laisser en tête à tête avec notre écran. Cela m’a permis de finir en beauté avec le délicieux Soul de Pete Docter qui m’a replongée 10 ans en arrière en me faisant regarder un Disney entouré de mes frères et sœurs lors de la période de Noël.

2020 a été catastrophique pour le monde du cinéma, une baisse des fréquentations qui n’a jamais été vécue par les salles, des films sans cesse repoussés (j’attendrai le temps qu’il faudra Wes, mais je verrai The French Dispatch au cinéma), des tournages annulés. Cependant, cette année nous a laissé quelques beaux cadeaux et il est hors de question d’enterrer le cinéma comme certains se sont empressés de le faire car s’il y a bien une chose que le cinéma sait faire, c’est nous surprendre sans cesse. 

  1. 1917 de Sam Mendes
  2. Drunk de Thomas Vinterberg
  3. Jojo Rabbit de Taika Waititi
  4. The King of Staten Island de Judd Apatow
  5. Soul de Pete Docter
  6. L’ombre de Staline de Agnieszka Holland
  7. Tenet de Christopher Nolan
  8. Dark Waters de Todd Haynes
  9. Été 85 de François Ozon
  10. Trial of the Chicago 7 de Aaron Sorkin

 

ANTOINE MASSIP

Cette année 2020 nous aura fait vivre dans un véritable film apocalyptique, une expérience infiniment similaire à celle portée à l’écran par David Mackenzie en 2012  (Perfect Sense) ou bien au glaçant Contagion de Steven Soderbergh. Maintenant, je crois que nous aurons tous compris que l’apocalypse a beau être terriblement captivante à l’écran en gobant des poignées de popcorn, c’est vraiment casse bonbon à vivre !

2020 était l’année canapé. Donc qui dit canapé, dit streaming : Netflix, OCS, Amazon Video, Apple TV +, Canal +, Disney+… (beaucoup de “+” histoire de toujours rester le plus positif possible en ces temps difficiles). Personnellement, j’ai dévoré des yeux chacune de ses plateformes, visionnant un total de 754 films dont 38 en salles de cinéma en un an. Tout ça pour dire que mon canapé n’a beau pas avoir les propriétés d’un oreiller mémoire de forme, il a dû bien mémoriser l’empreinte de mon postérieur. Bref, ma cinéphilie ressort grandie de cette crise.

Pour en revenir au fait, bien qu’une vaste majorité des films que j’ai visionnés tout au long de l’année était en streaming, ces programmes exclusifs au petit écran ne dominent pas pour autant en nombre mon classement : au contraire, 7/10 était en salles. Comme quoi, nos salles obscures tant adorées amplifient l’expérience cinématographique. 

Commençons par le commencement, plus précisément par la dernière place de ce top, qui n’est d’ailleurs pas des moindres car il s’agit du dernier Judd Apatow, The King Of Staten Island, Apatow qui a réalisé auparavant 40 ans, toujours puceau et Funny People. Co-scénarisé et interprété par Pete Davidson, célèbre pour sa participation à l’émission Saturday Night Live, ce film retrace l’histoire de celui-çi, dont la vie fut mise en suspens après la traumatisante disparition de son père dans un incendie. Un portrait rugueux, désarmant par sa sincérité, sa tendresse, mais aussi par son esprit de dérision absolument irrésistible.  

Traversons à présent l’Océan Atlantique pour retrouver notre 9ème place : The Gentlemen du plus british des british, the one and only Mr. Guy Ritchie. Avec ce film de gangsters,  pimpant, virtuose, et survitaminé, Ritchie retrouve ici un style bien à lui après avoir réalisé deux films abominables (Le Roi Arthur et Aladdin) pour les grands studios américains dans le but de financer ce petit bijou. Notre Ritchie, que l’on avait tant aimé pour son cultissime Snatch et son adaptation bien à sa sauce de Sherlock Holmes, a enfin ressuscité ! Hallelujah ! Des dialogues savoureux aux répliques ciselées qui fusent plus vite que des balles, un casting de haut vol (mentions spéciales aux fabuleuses prestations hautes en couleur de Hugh Grant et Matthew McConaughey), une réalisation plus impétueuse que jamais : pour faire court, du grand Ritchie !

Pour notre 8ème position, retournons à Trumpland ! Roger Mitchell, réalisateur de Coup de foudre à Notting Hill, nous fait le plaisir de nous retrouver en 2020 avec sa nouvelle réalisation, Blackbird, adaptation rondement et subtilement menée du film danois Silent Heart. Une grande réunion de famille a lieu afin de faire des derniers adieux à Lily qui, souffrant d’une maladie dégénérative incurable, a décidé de s’euthanasier plutôt que de finir ses jours intégralement paralysée. Je ne pourrai pas mieux formuler mon ressenti que de la façon suivante : sublimement déchirant… Sans aucun doute le plus gros tire-larmes de l’année qui n’a malheureusement pas su trouver son public.

Si vous croyiez qu’il n’y aurait pas de film français dans mon classement,  détrompez-vous, car ma 7ème place est attribuée non pas à un long métrage, mais à un moyen métrage hexagonal, Lux Aeterna du subversif réalisateur d’Irréversible, le grand Gaspar Noé. Charlotte Gainsbourg, Béatrice Dalle, Noé, Yves Saint Laurent, stroboscopie lumineuse, un tournage de film de sorcière qui dérape dans une spirale infernale de chaos psychotique  : que demander de mieux ? Next !

Top ! Je suis un film transgressif et décapant d’origine scandinave ; mon impérial interprète principal tena le rôle d’un des ennemis les plus emblématiques des James Bond ; mon réalisateur fut le co-fondateur du Dogme95 avec Lars Von Trier; j’oscille à la perfection entre humour, drame, et euphorie tout en traitant du grand fléau de notre société qu’est l’alcoolisme. Je suis ? Je suis ? Drunk de Thomas Vinterberg ! Oh oui oui oui ! C’est gagné ! Vous avez remporté la boîte de jeu Questions pour un Champion de chez Lansay ainsi que la toute dernière édition du petit guide du Kamasutra, qui saura plaire j’en suis sûr aux petits et grands… Pardonnez mon emportement cher lecteur, j’ai dû un peu trop forcer sur la bouteille.  Drunk, à consommer sans modération. 

Nous entrons à présent dans le top 5 des films de 2020, le suspense est à son comble… En 5ème position : l’OFNI (Objet Filmique Non Identifié) Kajillionaire de Miranda July. Ce film, c’est tout comme un croisement entre la poésie surréaliste de Boris Vian et l’exquis décalage du Napoleon Dynamite de Jared Hess. Un film à la fois si tordu, qu’il en devient tordant, mais aussi si tendre d’une façon plus que singulière, qu’il en est bouleversant. Kajillionaire m’a laissé en fin de séance dans un état second, tout bonnement en transe d’avoir assisté à du cinéma qui sait encore faire preuve d’une inventivité folle. Au box office: 30 609 entrées contre 1 144 871 entrées pour 30 jours max de Tarek Boudali. C’est consternant de voir que les spectateurs ont perdu le goût pour l’audace et l’originalité… Pardonnez moi l’expression, mais à 8€, ça fait cher la bouse.

La 4ème place de ce classement est attribuée à notre Brazil à la française, une véritable masterclass cinématographique, j’ai nommé Adieu les Cons de l’inclassable Albert Dupontel. Une brillante fable à la Bonnie & Clyde qui m’a tenu en haleine du début jusqu’à la fin de part son ingéniosité burlesque et lyrique débordante qui ne cesse d’émerveiller de plan en plan, démontrant encore et toujours que Dupontel sait viser juste chez son public : en plein coeur. Rarement ai-je autant vibré dans une salle de cinéma…

Pour la médaille de bronze de ce top 10 de mes films préférés de cette année riche en surprises, je vous prie d’accueillir Mank de David Fincher, un des rares films qui a fait plus parler de lui avant sa sortie qu’après, pour la simple et bonne raison que c’est un film destiné aux cinéphiles familiarisés au monument cinématographique qu’est Citizen Kane d’Orson Welles (ce qui est mon cas). Indubitablement, en s’appropriant avec brio les codes du cinéma des années 30, Mank, qui retrace l’histoire de l’écriture d’un des films les plus emblématiques de l’histoire du cinéma, démontre encore une fois que l’oeuvre de Fincher est d’une rigueur technique et scénaristique inégalable, d’une richesse inépuisable. De plus, Gary Oldman  livre de nouveau une prestation tant phénoménale et bluffante qu’elle en serait oscarisable. Je regrette infiniment que je ne pourrai jamais le voir sur grand écran… (ma critique de Mank est à retrouver sur le blog)

En deuxième position, si je vous dis, produit par Martin Scorsese, réalisé par les frères Safdie, et en premier rôle Adam Sandler, vous me répondez bien sûr : Uncut Gems ! Mon dieu ! Mon corps n’a jamais autant sécrété d’adrénaline que devant ce film ! Celui-ci réaffirme que les Safdies sont bien les maîtres du cinéma violemment anxiogène (trois ans auparavant ils nous avaient livré l’haletant et magistrale Good Times avec Robert Pattinson). De A à Z, le film m’a survolté à un tel point que j’étais aussi euphorique que des spectateurs devant un match de basket. Littéralement à certains moments, je regardais le film debout. Je peux vous dire que m’affecter émotionnellement à un tel degré n’est pas chose aisée. Ce que font là les Safdie et Sandler tient du génie. Un captivant récit/trip sur l’argent-roi sous haute tension, digne des plus grands Scorsese des années 70. A ne surtout pas manquer.

Nous voici enfin arrivés pour ce moment tant attendu, la première place de mon top 10 pour cette année 2020. Ainsi, la première position de mon classement est attribuée à … (roulement de tambours) … Soul de Pete Docter ! Quand j’aime un film à un point qui dépasse tout entendement, je ne sais pas trop quoi en dire. Les mots me manquent pour exprimer l’étendue de l’amour que je porte pour ce nouveau chef d’œuvre des écuries Pixar, film qui est selon moi le plus mature et touchant du studio. Un véritable hymne à la vie, méditatif et métaphysique, qui met en perspective des questionnements existentiels d’une richesse sans pareil.  C’est cela que j’ai trouvé formidable avec ce film. Docter n’essaie pas seulement de faire du spectacle, mais bien plus que ça. Il fait le pari risqué d’essayer d’ouvrir l’esprit de ses spectateurs aux valeurs humaines fondamentales qui donnent sens à la vie. En confrontant le protagoniste Joe Gardner à sa mort, cela met en exergue les zones d’ombre de notre existence qui nous privent de vivre pleinement. Il faut vivre chaque jour comme si c’ était le dernier. Vivre passionnément et profondément : la pensée clé de Soul, qui vous vous en serez bien douté m’a ému jusqu’aux larmes. Véhiculer tant d’émotions à travers un film est révélateur de sa réussite. Par conséquent, tant sur le fond que sur la forme, c’est un sans faute pour Pixar. 

Ainsi s’achève mon top et cette année 2020, que nous ne sommes pas près d’oublier. Une merveilleuse année pour le cinéma, mais pas pour les cinémas… 

  1. Soul de Pete Docter
  2. Uncut Gems de Ben & Joshua Safdie
  3. Mank de David Fincher
  4. Adieu les cons d’Albert Dupontel
  5. Kajillionaire de Miranda July
  6. Drunk de Thomas Vinterberg
  7. Lux Aeterna de Gaspar Noé
  8. Blackbird de Roger Mitchell
  9. The Gentleman de Guy Ritchie
  10. The King Of Staten Island de Judd Apatow

Mentions honorables :

  • Effacer l’historique de Gustave Kervern et Bruno Delépine)
  • 1917 de Sam Mendes
  • Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait d’Emmanuel Mouret
  • Jojo Rabbit de Taika Waititi
  • Eté 85 de François Ozon
  • Tenet de Christopher Nolan
  • Trial of the Chicago 7 d’Aaron Sorkin

 

 

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