The 100, c’est une série post-apocalyptique qui relate le destin de la race humaine après que la Terre a été dévastée par des radiations. Les quelques survivants s’étant exilés dans l’espace, ils survivent grâce au suivi de règles strictes. Toute infraction est punie de mort, et seuls les criminels mineurs sont emprisonnés. Ceux-ci vont servir de cobaye et être envoyés sur Terre afin de vérifier si elle est à nouveau habitable. L’air n’est plus toxique, mais d’autre problèmes se posent pour les protagonistes. Après tout, ce ne sont pour la plupart que des enfants, propulsés dans un environnement inconnu et peu accueillant, sans aucun repère ni cadre.

Alors, bien sûr je me doute bien de ce que vous devez penser : The 100, c’est produit par CW, c’est pour les ados, c’est léger, naïf etc… donc en généralisant, on en arrive à le qualifier seulement en termes péjoratifs. On pourrait présumer que c’est une série où les personnages sont mal écrits, le scénario est relégué au second plan pour servir les intrigues amoureuses, la diégèse est bafouée par facilité scénaristique et où des acteurs plus attirants les uns que les autres se dénudent fréquemment pour faire monter l’audience. Non. Pas tout à fait. Bien sûr, The 100 doit plaire au public de CW, ce qui la contraint et engendre la plupart de ses défauts, mais on peut y observer un véritable effort en termes de construction des personnages et de l’intrigue.

Qu’est-ce qu’elle a de si exceptionnel d’après moi ? Pas grand-chose en fait, mais elle apporte une sorte de brise d’air frais dans un paysage de séries clichés, aux dialogues naïfs, qui tentent de se donner l’importance et le rayonnement de certains films, sans s’en donner les moyens. Déjà, parce qu’il y a un effort pour créer la représentation d’un univers entier (peut-être pas à la hauteur d’Avatar, mais cela vaut la peine d’être souligné) : les décors et costumes sont recherchés et plongent les spectateurs dans l’ambiance, et des croyances et un langage adapté sont intégrées à la narration. Le tout donne un vrai fond à l’histoire. Ensuite, parce qu’il y a un vrai travail derrière les personnages. Oui, la série est tirée d’un livre, mais non, les scénaristes ne se sont pas reposés là-dessus, ce qui implique que les personnages ont en grande partie été réécris. Ce qui (pour moi) est intéressant ici, c’est que les personnages peuvent évoluer, ce dont ils n’ont pas le luxe dans le livre (à cause de la piètre qualité d’écriture), et sont traités comme des êtres multidimensionnels.

Les personnages sonnent vrais, ce sont tous des êtres humains à part entière : ils ne sont pas simplement définis par leur fonction dans l’intrigue (le personnage latino, le love interest, le méchant, etc…), et dépassent les stéréotypes ou la simple représentation des minorités. Chacun évolue à travers les saisons, sans que leurs arcs narratifs ne deviennent caricaturaux ni moralisants (ils ne passent pas de « méchants » à « gentils », mais changent, insidieusement et lentement). Ceci crée de vraies dynamiques inter-personnages : des interactions vivantes et touchantes, autant dans le cadre familial, amical ou romantique. Il y a évidemment, des fragilités, puisqu’au fil des saisons, des nouveaux personnages apparaissent pour les besoins d’un arc, ce qui se ressent, dans la mesure où ils sont moins étoffés et plus transparents que les originaux.

On peut néanmoins observer de vraies démarches humaines, à savoir, tenter de rester qui l’on est, en dépit des circonstances, ou au contraire réaliser nos erreurs, et apprendre de celles-ci. Ce qui est particulièrement juste, pour moi, c’est les réflexions incessantes et les nombreux détours et revirements qui remodèlent incessamment les personnages. Pour eux, comme pour nous, la recherche de son identité propre est un chemin tortueux, et l’espoir de finalement trouver sa place représente un but en soi. Ceci est d’autant plus ardu que les personnages évoluent du fait de leur réactions aux évènements extérieurs, qui sont très difficiles à vivre. Beaucoup d’entre eux développent des problèmes mentaux, des symptômes d’anxiété, de stress post-traumatique, des pensées suicidaires, qui ne sont pas glorifiés ni dramatisés par la narration, mais traités, à juste titre, comme le seraient des maladies physiques. Cet angle met en lumière les maladies mentales, non pas comme une fatalité, ni un handicap rédhibitoire, mais comme le résultat des circonstances et des dispositions de chacun face à celles-ci. Il est donc possible de s’identifier aux personnages à travers leur mal être, et de compatir réellement. Comme dans la plupart des films ou séries, me direz-vous. Sauf qu’ici, le spectateur n’est pas pris pour un idiot par les scénaristes qui font guérir le personnage comme par magie, après s’être vu conseillé de « s’en remettre ». D’ailleurs, les blessures, autant physiques que mentales ne disparaissent pas miraculeusement : on observe une continuité dans les arcs. Notamment à l’évocation du deuil, qui n’est pas ignoré dès l’épisode suivant la mort du personnage, ce qui ne survient pas souvent dans l’univers de la TV (toujours par facilité scénaristique).

En rapport avec l’identité est le thème de la morale, qui peut être résumé en une question relativement banale mais signifiante : est-ce que je suis une bonne personne ? Tous se le demandent, sans qu’aucun n’ait de réponse invariable : ils sont sans cesse mis au défi par leur environnement. Ainsi, la série se focalise sur le dilemme de la survie : à quel cout ? Faut-il privilégier sa survie (ou celle de son peuple), au risque de renier nos principes ? Est-ce que la survie de l’espèce est plus importante que la survie des valeurs humaines ? Pour n’importe quels animaux, la réponse serait affirmative. Mais pour les hommes, cette question restera toujours en suspens. Tous ces personnages sont perdus, dans leurs croyances et dans leur environnement, et tentent simplement de faire ce qui est « juste ». On peut considérer ce genre de réflexions, redondantes et quelconques, mais à mon sens, elles permettent un retour sur soi, une remise en cause de certains principes, voire même une réflexion sur l’avenir de l’Homme.

Tous les défauts humains sont représentés : chaque situation est empoisonnée par la jalousie, l’ambition ou la peur. Pour moi, c’est comme si c’était une forme d’expérience pour prouver la véracité de la loi de Murphy : en ce qui concerne les êtres humains, « tout ce qui est susceptible de mal tourner tournera nécessairement mal ». Au final, il n’y a presque jamais de « happy ending », ce qui ajoute au réalisme, mais qui peut occasionnellement tourner à un dramatisme relativement cliché.

Malgré une réalisation académique, une bande originale qui se fond dans le décor, des effets spéciaux qui laissent à désirer, et une intrigue qui occasionnellement perd en qualité (décisions arbitraires de tuer certains personnages, ou d’en amener de nouveaux sans grand fond), The 100 est une belle mosaïque de personnages attachants et inspirants. Il vous suffit juste de survivre à l’épisode pilote (plutôt naïf, et composé d’expositions à répétition), puisque comme beaucoup de pilotes, il est peu représentatif du reste de la série.

Lorène

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